Article écrit par Boris Petroff le 2 mai 2016
Fossavatn
2016 : une belle réussite malgré un
fartage impossible.
Angelo
Corradini, venu en skieur (5 h 36 sur ce
terrible 50 km) autant qu’en Président
de la Worldloppet, s’amusait le samedi
soir à la Fish-Party à compter le nombre
de titres de master réunis par quatre
amis attablés côte à côte : 64 ! 64
titres de Master à quatre. Il y avait
là, Hannes Larsson (28), Ludmilia
Kolobanova, Minoru Matsuyama et Boris
Petroff (12 chacun). Jay Wiener n’était
pas loin. Ne manquaient finalement que
Corrado, Grant et Robert…
Ils sont
venus, ils ont vaincu et ils repartent
plein d’étoiles dans les yeux même si ce
fut dur, très dur.
Vendredi,
veille de course, Isafjordur s’est
réveillée tout habillée de blanc. Mais
cette neige tombée dans la nuit est
traitresse : humide, chaude. Au bord de
la mer, pluie et neige se succèdent une
bonne partie de la journée. Et le vent
n’est pas de reste !
Mais qu’en
sera-t-il là-haut, à 600 mètres
d’altitude, vers Fossavatn ?
Que farter
samedi ?
Certes il y
a les adeptes du tout-en-double-poussée…
mais la Fossavatn n’est pas la Vasa ou
la Marcialonga : les côtes sont
nombreuses et assez fortes. Tout le
monde n’est pas Justyna Kowalczyk qui a
bien failli battre TOUS les hommes : il
n’y en a que trois qui lui ont échappé.
Et ceux qui
misent sur les écailles ou les pluches.
Mais il y a beaucoup de portions
relativement plates et il faut
privilégier la glisse.
Le magasin
de sport recommande deux couches de
klister recouvertes de deux couches de
poussettes
Les
petits vieux (dont je suis) refusent le
klister : trop dangereux. Même si la
pluie redouble sur Isafjordur. « Ca
va botter surtout sur la partie haute du
circuit, surtout hors trace ».
Samedi 30
avril …
Samedi 460
concurrents se regroupent sur la ligne
de départ pour le 50. Une heure plus
tard ce sera au tour du 25 puis du 12,5
km….
Ambiance bon
enfant : chacun choisit sa ligne suivant
le chrono espéré et nul besoin de
prouver quoi que ce soit pour partir
avec un groupe ou un autre. C’est le
royaume de la confiance et cela marche
très bien !
Bravo la
Fossavatn.
La météo est
bien moins pire que prévue. Il ne pleut
définitivement pas, juste quelques
flocons qui jouent avec un vent fort
modeste.
Et surtout
un vent qui aura la bonne idée de
souffler dans le bon sens pour la
première montée. Mais déjà les
malheureux en klister font des haltes
pour gratter leurs semelles : il ne fait
pas bon quitter la trace pour doubler un
concurrent plus lent… c’est le sabot
assuré.
Belle
surprise : un ravito dès le 4ème
km et un autre au 10ème :
cela facilite la montée. Car il faut
monter sur le plateau.
Miracle,
pendant 10 mn le soleil fait une
apparition. Mais le vent se renforce et
on le retrouve de face dès le 13ème
km. Sur les presque plats (ce n’est
JAMAIS tout à fait plat sur la Fossavatn)
ce sont des groupes de 3 ou 4 skieurs
que je double : des malheureux qui
bottent. J’ai parfois souffert dans la
montée manquant d’accroche mais en
jouant des bras, cela passait tant bien
que mal.
Et bien
qu’en poussette je dois moi aussi, de
temps en temps, gratter une semelle de
ski sur les carres de l’autre pour
éviter les sabots de neige. La
visibilité est correcte et nous réserve
parfois des vues magnifiques,
typiquement islandaises, sur des
montagnes torturées et vides de toute
végétation.
La veille
les organisateurs de la Fossavatn ont
choisi la prudence : deux tours de 25 km
et pas la boucle traditionnelle de 50 km
trop aléatoire par le vent et la
mauvaise neige annoncés. On repart donc
plein ouest et de temps à autres on
voit, pas bien loin, les skieurs qui
achèvent de monter.
Le vent
forcit et il n’y a pendant quelques km
qu’une trace de damée par les skieurs
eux mêmes. Chacun se suit à la
queue-leu-leu : doubler oblige à partir
hors trace et il faut développer une
sacrée énergie pour passer.
Le vent se
calme, il ne neige plus et la glisse est
assez bonne tant qu’on reste sur les
rails. Et qu’on pousse sur les bras !
Tous les km
sont marqués. Vers le 18ème à
nouveau un coup de cul. Cela monte
fort : trop pour rester dans la trace.
Et c’est en marchant, un tas de neige
collé sous les skis, que je gravis ce
dernier obstacle. Comme tout le monde.
Bien sûr il faudra gratter au sommet.
Comme tout le monde.
La
descente, qui fut si rude pour le skate
couru par une neige gelée (et vaudra une
chute douloureuse pour Hannes Larsson
ainsi privé de classique le samedi !) se
passe assez facilement.
Tout autour
de nous des scooters de neige sont là
pour nous secourir, au cas où…
On ne les
voit pas toujours mais on les entend !
23ème
km : bonne surprise : on ne redescend
pas tout en bas, on récupère la montée
après la première bosse. Du moins pour
les courageux qui sont prêts à affronter
une nouvelle fois cette neige aussi
collante que patinante ! Et qui ont
bouclé ce premier tour en moins de 3h30.
Près de 70
skieurs du 50 bifurqueront sur
l’arrivée : ils seront classés sur le
25. Bravo la Fossavatn.
Le second
tour est bien plus délicat que le
premier : il n’y a plus de traces du
tout. 600 à 700 skieurs sont déjà passés
par là, avec un fart incertain et un
vent qui emmène la neige. Bref la montée
est cauchemardesque. Je recherche un peu
de retenue en skiant à l’extérieur de la
piste, sur le remblai, sur la neige
fraiche où j’accroche un petit mieux…
« C’est le métier, c’est l’expérience »
dirait mon ami Gilles Perrin....
Avec
l’absence de traces on perd souvent
l’équilibre, balloté de droite et de
gauche : c’est difficile de bien skier.
Et encore un
bon point pour la Fossavatn : parait
qu’ils ont retracé pendant la course
pour permettre aux skieurs les plus
lents de finir en souffrant un peu
moins.
Sur les
plats montants tout là-haut, je n’ai
plus aucune retenue et c’est en jouant
les apprentis champions, en double
poussée poussive, que je remonte
lentement mais surement, skieur après
skieur, ceux qui sont restés en
alternatif et patinent à qui mieux
mieux.
La dernière
côte est effrayante. Un km en canard,
après plus de 40 km difficiles.
Mais c’est
le retour sur l’arrivée. Je ne m’en tire
pas si mal avec mes 4 h 20.
Et j’ai une
pensée très forte pour Iwana et Joseph
Kral, le couple inséparable de TOUTES
les Worldloppet que je sais loin
derrière, pour Angelika Ronge, charmante
autrichienne, qui luttera plus de 7
heures avant de passer la ligne… Mais
n’abandonnèrent pas. Quant à mon
compatriote Joseph Luce, il a additionné
les pépins : perte d’un bâton 15 mn
avant le départ, sabots de neige sous
les skis, chute dans la grande descente
à cause d’un seul ski qui a botté, un
deuxième bâton de cassé, les lunettes en
morceaux et le nez en sang. Il a du voir
le médecin plutôt que repartir sur le
second tour…
On l’aura
compris, cette année encore la météo a
joué de mauvais coups à la Fossavatn. Et
à ses amoureux…
Mais bravo
les organisateurs : si j’ai loupé la WL
party du jeudi qui fut semble-t-il bien
réussie, je me suis régalé à la Cake
Party du samedi. Très bonne initiative
dont bien d’autres courses de la WL
pourraient s’inspirer : cela rend
agréable la remise des prix pour celles
et ceux qui savent ne pas en attendre !
Au fait je
viens de voir Hannes Larsson et veut
rassurer ses innombrables admirateurs :
il se remet de sa chute douloureuse de
jeudi et sera sur les skis cet été, en
Argentine, en Nouvelle Zélande, en
Australie….
Boris
Petroff
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