Lapponia hiihtoviikko : si Laponie m'était contée
Un truc réservé aux surhommes
. C'est pourquoi nous ne sommes que deux du club à être inscrits, Yann et moi. Et aujourd'hui vendredi, nous ne sommes pas d'humeur à parler avec Zarathoustra ; nous avons trente-cinq minutes à Munich pour attraper notre vol pour Helsinki et nous sommes partis de Lyon avec une demi-heure de retard.Mauvaise pioche ? Voire. A l'arrivée, un minibus nous attend au pied de l'avion pour nous mener directement à l'autre avion sans passer par l'aérogare ; le chauffeur communique par Talkie-Walkie nos trois numéros de bagages, les deux sacs et la sempiternelle housse à skis et quatre minutes plus tard nous sommes tous les cinq sains et saufs à notre nouveau bord. Sur ce coup là, les compatriotes de Nietzsche se sont révélés bien plus efficaces que ceux de Saint-Exupéry. La conclusion s'impose : pour aller en Finlande par Munich passeras et Paris éviteras.
Arrivés à Helsinki, premier contact avec la neige
; quelques pénibles heures à poireauter en attente du vol pour Rovaniemi ; j'en profite pour glaner des renseignements utiles : le record du monde d'endurance en sauna est actuellement de 12 minutes à 110 degrés avec atmosphère saturée d'eau, performance atteinte au cours des championnats du monde en 2004 par un ... Finlandais. A Rovaniemi nous ne passerons que la nuit, en attendant mieux sur le chemin du retour.Samedimanche :
Dès le samedi à huit heures, nous sommes à la gare routière d'où part le bus qui nous déposera trois heures plus tard à Muonio, notre destination finale... enfin presque, car nous avons décidé de fuir les grandes villes, et Muonio comprend plus de deux mille habitants.
Nous avons donc élu domicile à Olos, à huit kilomètres environ, centre de gravité des étapes de coupe du monde de fond spécial et incidemment de notre course à nous.
D'ailleurs, le secrétariat de la course se situe dans un salon à vingt mètres de notre chambre, l'arrivée des trois étapes est à une volée de marches. Cela se révélera précieux. Dans l'immédiat, premier déjeuner sous tipi 2(photo12)
Yann et moi, à la suite des travaux menés par Levi-Strauss, décidons d'investiguer plus au fond : le tipi est-il vraiment d'origine lapone ? Quelle sont ses formes et tailles originelles ? Aujourd'hui, notre analyse, bien que partielle, nous autorise à formuler la conclusion provisoire suivante : le tipi est rond, petit, pas lapon.
Après déjeuner, carte des pistes au format A3 en main, nous nous élançons pour une première découverte
(ci dessous).Mmmouais, c'est étendu. Les seuls réverbères le long des pistes éclairées permettraient d'illuminer la totalité de l'autoroute de Lyon à Giron et même la D48
A jusqu'aux limites du département1 au sens de Nietzsche, cela va de soi. A ce propos, une fois précisé que le terme Nietzschien ne désigne pas un refuge pour nos compagnons à quatre pattes sujets à une déviance pathologique qui les incite à essayer de voler, rappelons la formule de Zarathoustra qui, à l'issue d'une course où il venait de manger gros, avait déclaré « je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même ». Mais le garçon était atteint paraît-il d'un léger priapisme.
2 message de service : l'homme des grands plateaux ( pas andins, en vélo) est prié de reconsidérer sa vision des tipis. Soit écrit en passant, ça a bien dû les faire rigoler, ceux qui ont exporté le concept en France quand ils ont présenté leurs bouts de bois entourés de serpillères sous ce terme !
Au réveil, ça caille dur : +8° à l'ombre et les pistes sont souvent au soleil. Les courses ont lieu en skating et côté fart de glisse, prudence étant mère de sûreté, on a la gamme dibloc complète. Mais côté accroche, notre poussette la plus chaude c'est bleu extra, quant aux tubes, on n'a pris que du dentifrice. Le loueur de skis, qui avait passé sa commande décennale de cinq rouge Swix a été dévalisé ; nous nous rabattons sur un spray en bombe, universel -5 + 10. Avant d'aller nous promener -doucement et pas trop longtemps, c'est veille de course- en classique, il faut penser aux choses sérieuses, les tests de glisse. Au bout de quelques minutes, je suis fixé. Je vais revendre mes Xium, mais pas à la foire aux skis, ce serait du temps perdu. L'année prochaine, je ferai un tabac porte de Versailles au salon de l'agriculture, rayon charrues. Au moins, cela rend facile le choix, il me reste une paire ; and the winner is...Atomic !
Après deux heures en classique à vitesse réduite,
deux plats de lasagnes et une belle troisième place du relais Français conclu par Manu Jonnier à Falun, nous allons farter.Notre salle de fartage a servi à l'équipe de Norvège lors de la dernière étape de la coupe du monde. Nos amis allemands sont déjà là et, nous en avons pris l'habitude, au niveau de l'équipement, on ne fait pas le poids. Après ultime réflexion, on se décide à farter au jaune non mélangé, pas même avec du Chardonnay.
Lundi :
Jeannot le blaireau était content ce matin là, il allait faire une course de ski, une vraie longue distance, comme ça ne lui était pas arrivé depuis plus d'un an. Il avait enfilé sa belle tenue matin bleu millésime 1991, ses skis qui glissaient très bien (pas les Rossignol donc, pour ceux qui ne suivent pas) et dans les premiers moments de la course, n'avait pas cassé ses bâtons, n'avait pas déchiré sa belle combi et n'avait pas tombé. Arrivé au km 40 de l'étape qui en comptait 60 et malgré la longue ascension du Sammaltunturi, Jeannot se sentait très fort. Aussi décida-t-il de revenir seul sur le groupe devant, à environ une minute. Si Jeannot avait su lire l'heure, il aurait compris qu'il ne pouvait avoir parcouru quarante kilomètres en une heure et que quarante était en fait le nombre de kilomètres restants. Il constata amèrement son erreur au panneau « 30 », quand il s'attendait à voir « 50 ». « Oh la la pas rigolo, à droite le cligno, trop costo le tempo » se dit Jeannot. En se secouant pas mal, Jeannot parvint néanmoins à rester accroché au groupe jusqu'au panneau 10. Là, il inaugura une tactique audacieuse : partir seul, à l'arrière. A l'arrivée, les skieurs de son groupe étaient entre 3 h 08 et 3 h 10 et lui en 3 h 11 ; les dégâts étaient limités.
Pendant ce temps là, Yann the stuntman
3 faisait lui aussi sa course. Après vingt premiers kilomètres difficiles en raison d'une glisse médiocre (ah bah tiens, avec des Rossignol...), la glisse s'améliore et Yann the stuntman raccroche un groupe, juste avant l'interminable traversée du lac Jürisjarvi4. Pendant que Yann est en un temps ou en deux temps combiné sur le plan lisse, enfin à peu près, les autres sont en poussée simultanée et en demi-pas dans les traces, à l'aspiration.Forcément, on se trouve un peu couillon à prendre le vent seul mais, d'un autre côté, des kilomètres de rang à faire chauffer les bras et une seule cuisse, car la trace en bordure de lac ne permet de pousser que du côté du plan lisse, ça ne peut pas le faire indéfiniment. Paradoxalement, les bonnes bosses en forêt passent donc plutôt mieux que les longs plats laqués. Un universitaire de Jyväskulä, qui ne devait pas avoir cours ce jour là, a dénombré 188 788 lacs en Finlande. Ce type de plat est donc plus courant que le canard en Chine. A dix kilomètres de l'arrivée, Yann se fait aussi lâcher par son groupe et rentre seul, sans témoin ni personne à l'exception de la huitième fille qui le passe comme un avion dans le terrible avant-dernier kilomètre. Mais finalement, en 3 h 34, le contrat est rempli.
L'un comme l'autre, bien que cuits durs à l'arrivée, avons tôt fait de voir remonter notre niveau d'ambition au général, après trois sauna et trois bières, ou le contraire, j'ai oublié. Nous misons tout sur la récupération ; le sauna et la piscine sont à cent mètres de la chambre et le resto où l'on peut
3 Nickname en hommage à Jackass
4 puissé-je être pardonné pour ce pléonasme, « jarvi » signifiant « lac » en Finlandais ingurgiter des lasagnes d'après-course à trois cents mètres
Pas besoin de prendre le métro ni le bus pour s'y rendre et nos conditions de régénération seront donc optimales et optisoignons.
Mardi :
Aujourd'hui, récup' active en classique ; un coup de bombe sur les chambres à farter et hop c'est parti, nez au vent et tout de suite après dans la neige. Il est un peu fort le fart, non ? Nous finissons par comprendre les bases : d'abord, ne pas en mettre trop, mais pas trop peu non plus, dosage,dosage. Ensuite, ne pas tenir compte de la notice qui indique d'attendre deux minutes
(photo 19).Car, cornegidouille, les fabricants sont là pour vendre du fart et deux minutes de séchage, c'est juste ce qu'il faut pour laisser 80% du produit sur la piste pendant la première minute de ski. Donc, en résumé, un coup appuyé de pschitt, attendre cinq minutes et renouveler l'opération toutes les quarante minutes environ ce qui, soit dit sans vouloir vexer papi ni mamie, correspond bien à la distance qu'ils parcourent en une sortie complète. Nous décidons de faire une boucle complète autour de Muonio, en remontant la frontière suédoise le long de la Muoniojoki. Magnifique paysage
...sauf que la boucle ne boucle pas. Heureusement, un renne nous remet sur le bon chemin. Cette séance de récup' a quand même pris deux heures et nous laisse d'autant mieux apprécier le rituel douche bière lasagnes fartage sauna piscine sauna piscine sauna piscine bière pâtes bière. Je ne me souviens plus exactement quel est le grand vétérinaire epistémologue de Condeissiat qui a déclaré que l'homme, au contraire du chien, avait besoin de varier ses repas et les façons de les prendre. Ce point de vue est largement contestable.
De retour à la maison, nous regardons les yeux embués la ligne bleue des tunturit, qu'il va falloir franchir demain.
Mercredi :
Voici la 2ième course… En regardant les résultats le soir d’avant, nous regardions notre classement en fonction des différentes nationalités. Les français : l’honneur du CSMR est sauf pour l’instant, premier et deuxième avec une avance confortable! et puis quelques russes, des allemands, dont la 4ième fille, qui nous a littéralement scotché sur le chargement en sucre lents d’avant course, des autrichiens, des Suisse Allemands dont la mascotte de la Lapponia Hiihto, notre cher Bruno, puriste du classique en toute condition ; sa devise : chi va piano va sano
Encore un parcours superbe, tracé sur 50 kilomètres, avec une petite nouveauté ; il ne s'agit plus d'une boucle mais d'une vraie traversée
, avec d'entrée la difficulté la plus forte de l'ensemble des trois étapes : l'ascension d'un tunturi qui nous fait prendre 300 mètres d'altitude dès les premiers kilomètres. La glisse est au diapason des paysages, fabuleuse, et les vingt kilomètres qui précèdent les cinq derniers sont de profil plutôt descendant avec beaucoup de relances en virages ou en bosses sèches et courtes. L'allure générale et la gestion de course me font tellement penser au vélo que je cherche parfois nerveusement les manettes des dérailleurs indexés sur les bâtons pour mettre plus gros. Durant ce final, ceux qui m'avaient lâché à la fin de la première étape forment un groupe à une vingtaine de secondes devant et je compte bien rentrer, aidé en cela par un finlandais avec lequel je forme un couple symbiotique et de circonstance. Nous rentrons sur ce groupe de huit aux dix kilomètres et assurons dès lors nos relais dans le groupe, sans répondre aux escarmouches de certains. En fait, nous avons la même idée en tête : mettre une mine à deux kilomètres de l'arrivée dans les murs.
Aux quatre kilomètres, le groupe de maintenant ???5 skieurs se disloque mais ceux qui ont accéléré n'arrivent pas à faire un réel écart. Aussi, au deux kilomètres,quand on allume la mèche, tous se retrouvent éparpillés façon puzzle au fil des murs. Nous nous retrouvons à deux pour le sprint à l'arrivée, que je perds de trente centimètres. Je suis plus explosé qu'à l'arrivée d'un quinze mais j'arrive quand même à me relever alors que mon acolyte continue à manger de la neige. Le cerveau, qu'on avait posé au bord de la piste il y a deux kilomètres, nous 5 10, bandes de nazes, 8+2 rejoint quelques instants plus tard.. On se congratule mutuellement et je commence à me dire que je n'ai pas franchement géré en prévision de la dernière étape, la plus dure... enfin bon, 2 h 19 , ça va me faire remonter au général et après-demain est un autre jour...
Pendant ce temps là, du côté de chez Yann...
Et ne voilà t’y pas qu’un sujet de la perfide Albion s'était glissé juste dernière moi à 5s au classement de la première étape. Je quitte mon gant (Les fameux de chez future, merci Président),et d’un camouflet, provoque mon adversaire en duel. Voilà mon objectif de la journée ! Je démarre donc dans mon groupe habituel, traverse le lac du départ, attente de quelques minutes car petit bouchon sur le goulet démarrant la montée. Tiens, personne ne déchausse, personne ne court sur le côté de la piste, pas de nom d’oiseaux : ouais, ouais, on est pas sur les mass start françaises ! on enquille la grosse montée de 300m de dénivelé, mon anglais est juste devant dans la tête du peloton. Je monte à mon rythme, en queue de peloton, et malheureusement le groupe explose, et mon adversaire s’en va inexorablement. Bon, la montée finie, je bascule sur la descente à tombeau ouvert dans l’espérance de faire jouer la glisse pour rattraper le peloton, mais en vain. On enchaîne sur les vallons, un groupe se reforme, la montée sur Pallas, je m’accroche comme je peux mais tiens bon dans le groupe, en faisant l’élastique : lâché dans les côtes ou nos amis finlandais font jouer le physique bûcheron et le 2 temps, je reviens en pas de un sur les portions favorables à la glisse. Et le yoyo durera jusqu’à la fameuse dernière côte de l’arrivée , où je finis comme je peux ! Enfin, je boucle en 2h34 et suis bien content de ma prestation
. Seul bémol, je prend 5min dans la vue sur mon ami anglais : qu’à cela ne tienne, je mise tout sur les 80 !Le soir, le sauna chauffe fort et la douche se prend glacée. Au cours du test qui suit, Lapin Kulhta contre Franziskaner, nous faisons les comptes. En deux courses, j'ai quasiment doublé mon capital de kilomètres parcourus en course pour la saison. Côté bières, le rapport est plutôt de un à trois.
Jeudi
:Aujourd'hui, classique à nouveau, mais un peu seulement car demain 80 kilomètres nous attendent, et pas qu'à plat.
Côté fartage de course, comme nous partons deux heures plus tôt et qu'il faut essayer également de faire tenir le dibloc jaune, nous optons pour deux couches de jaune sur une première couche de bleu. Pour le reste, nous avons acquis maintenant toutes les références spatiales nécessaires sur le site et ne nous perdons plus sur le chemin de la chambre au bar, même au retour.
Bon, c’est encore les pâtes ce soir, car veille de course, et en plus 80 bornes. Va falloir charger en sucres lents ! Yann bataille dur pour finir le plat ; ras le bol des pâtes aux 3 couleurs. Demain soir, c’est fiesta, renne, viande, légumes, bref un peu de changement ! Grand respect à Sandra, qui s’est enquillé la double ration de pâtes sous nous yeux écarquillés. Ni l'un ni l'autre ne pouvons suivre !
Mais, bon faut assurer, c’est pour une place de 4ième au général. Ne jouant que le milieu de tableau, nous commandons notre deuxième demi-litre de Lappin Kulhta pour refaire le niveau en sel minéraux.
Vendredi :
This is The day ! 80 kilomètres sur une traversée mythique déjà très pratiquée au néolithique entre Hetta, l'ancienne Enonteïkio et Olos, en passant par Pallastunturi, le plus ancien centre de Laponie du Nord, le tout au milieu de paysages dont certains laisseraient à penser qu'il s'agit d'une course de ski-alpinisme. Il est 8 h 20, la course part dans dix minutes et le silence règne sur le lac ; on sent que ce n'est pas une course tout à fait comme les autres. Certains font leurs derniers essais de skis pendant que les autres commencent à se placer au départ. Comme d'habitude, pas de ligne prédéterminée et chacun se place en fonction du niveau qu'il pense avoir. C'est parti, sur un tempo assez lent. Le lac passe sans encombre, malgré la faible largeur de la piste et tout de suite nous attaquons dans la forêt la montée de 300 mètres de dénivelé qui va nous amener sur les hauts plateaux. Je surveille la tête de course ; les cassures au train commencent à se produire et des groupes se forment. Nous sortons de la forêt ; un coup d'oeil vers la ligne de crête me montre que là-haut, la neige tourbillonne ; nous allons prendre un vent de trois-quart face pendant la traversée et, si la piste est trop peu large pour créer des bordures, gare néanmoins à celui qui se retrouverait seul pendant ces quinze kilomètres. La tête du groupe, dont je suis, a décroché au train le reste des wagons, mais nous ne sommes plus que quatre alors que le groupe devant, à une trentaine de secondes, est riche d'une vingtaine d'éléments. Après quelques instants d'hésitation, je me décide à me dépouiller pour faire la jonction. Tout en un temps, seul car mes trois compagnons ont jeté l'éponge, je rentre précisément dans les cinq derniers mètres du coup de cul qui débouche sur le plateau. La fatigue plus le vent que je prends à ce moment me font planter une canne entre les skis ; le temps de me relever, le groupe a pris dix mètres et cela m'oblige à fournir un sprint pour revenir tout de suite. Nous sommes au km 12 et je me suis bien secoué. Un seul objectif maintenant pendant la traversée : ne pas lâcher ce groupe de toute la traversée du plateau.
Au fur et à mesure de notre progression, je me félicite d'avoir fait cet effort téméraire. Car l'écart grandit avec ceux qui sont restés derrière ; en fait, personne ne reviendra de l'arrière jusqu'à l'arrivée. Pendant la quinzaine de kilomètres qui suit, je me demande ce qui coupe le plus le souffle du vent ou de la beauté polaire du paysage. J'ai presque froid, alors que la température est très clémente. Je me prends à imaginer ce que peut être une telle course par des conditions difficiles.
Nous organisons des relais tournants,ce qui est assez confortable quand on est nombreux à les prendre et, malgré le vent et le profil défavorable de cette première partie de course, le km 20 est atteint en 1 h 01. Nous avons dégringolé de l'autre côté du plateau dans la forêt ; le soleil a pris de l'altitude pendant que nous en perdions et nous dispense maintenant abondamment ses rayons. Nous nous dirigeons à vive allure vers la montée au Pallastunturi où nous allons longer les pistes de ski alpin et, passé le kilomètre 50, en 2 h 28, la donne change.
En effet, nous rejoignons la piste que nous avons parcourue l'avant veille et les 27 derniers kilomètres sont strictement les mêmes. Je n'ai donc plus le handicap de ne pas connaître le parcours et maintenant je connais mes adversaires. Nous sommes quatorze, il ne faut pas songer à rattraper le groupe qui précède, à plusieurs minutes. Je me dis que je peux tenter de jouer la « gagne » de mon groupe ; cela ferait la revanche de la première étape où j'ai fini dernier d'un groupe composé aux trois-quarts des mêmes ! Ma tactique est simple : me contenter de suivre sur les lacs gelés, prendre des relais appuyés dans les bosses et faire en sorte de passer en tête aux sommets pour assurer la relance derrière. J'ai en effet remarqué qu'ils avaient tendance à relâcher l'effort au sommet des descentes et je sais que je vais secouer le peloton si j'attaque les descentes en continuant à patiner. De toute façon, les cinq derniers kilomètres se feront au verjus
6... Nous y voici,à ce fameux kilomètre 75, en 3 h 43. J'accélère et la sélection se fait progressivement par l'arrière ;nous sommes moins d'une dizaine à quatre kilomètres, une demi-douzaine à trois kilomètres, trois àdeux kilomètres. On est à fond ; les cuisses fument et je me retrouve en seconde position à quelquessecondes en basculant dans la descente au dernier kilomètre.Je reviens sur le plat et dans le plat montant de l'arrivée, mon dernier adversaire commet l'erreur de lancer le sprint en deux temps. Jeme décale, passe en un temps et le devance d'une longueur de ski sur la ligne. Contrat rempli en 4 h02.
Et du côté de chez Yann...
Pour ma part, c’est avec pas mal d’appréhension que je descend du car ce vendredi matin à Hetta. Et oui, c’est mon premier 80km en skate, sur un parcours accidenté, et en plus avec 110km de course dans les pattes. Je devais faire la première sur la transju cette année, mais les conditions climatiques en ont décidé autrement. Un peu patraque ce matin, des frissons, j’espère que la crève que j’avais en début de séjour n’est pas de retour. En fait, comme disait l’autre du Splendid, ça doit 6 Jus résiduel issu des baies cueillies après la première vendange. C'est de faible qualité et pourtant ça pète la classe sur la carte d'un resto ; allez comprendre ! être la trouille… Bon, quelques tours de piste histoire de, et puis vivement que ça parte, y’aura aumoins plus de question à ce poser. Enfin, ça démarre lentement contrairement aux 2 courses précédentes. Je me cale dans un groupe de mon niveau et c’est parti pour la montée sur les hauts plateaux : en haut c’est grandiose. La piste est quelque peu tôlée, mais au moins, ça glisse.
J’enchaîne les vallons, la forêt, les lacs, un parcours superbe. Et pour l’instant, ça tient. Après m’être mis au chaud dans un groupe d’un vingtaine, je me vois dans l’obligation morale de prendre quelques relais en tête. Faut dire que ça fait une heure que deux gars se tapent le boulot et je sens comme un début d’agacement. Mais je serai bien le seul à culpabiliser, car je ne serai pas suivi sur cette initiative. Au bout d’une quarantaine de bornes, nous rejoignons le parcours de mercredi et la fameuse montée sur Pallas. La fatigue se fait sentir, et je m’accroche comme un diable au groupe.
Ca tient, mais je sens bien que ça risque d’être très dur jusqu’en haut. Je commence à décrocher de la tête et laisse les coureurs me passer. Et là, je retrouve mon cher collègue anglois. Le bastard, pas un seul relais ! Un petit peu aiguillonné, je m’accroche, mais laisse le groupe de tête et mon adversaire prendre progressivement une cinquantaine de mètres. Bon, on arrive sur Pallas, et derrière, y a une bonne descente, on va faire parler la French touch : j’ai nommé la glisse et le patinage en descente. Mais avant cela, petit arrêt ravito, y’en a besoin. Et là, les mecs enquillent aussi sec la descente : eh oh, c’était pas prévu ! Si je veux penser finir, je sais qu’il faut que je mange quelque chose, je décide donc de me ravitailler sérieusement, et puis c’est parti pour la descente. Bon, j’attaque, mais les bougres ont dû faire la même chose. J’en rattrape quelques uns, mais toujours pas de casaque Union Jack en ligne de mire. Un groupe se reforme, et c’est reparti pour les relais. Nous enchaînons les vallons, les lacs, et la règle des courses précédentes est de retour : lâché dans les montées, raccroché sur le plat. Je refais le yoyo jusqu’à la dernière montée avant l’arrivée. Les crampes sont au coin du bois. Mais cette fois, je mets un point d’honneur à ne pas me faire doubler sur les trois derniers kil. Je sais que les montées vont être dures, je les passe à l’arrachée, et bien sûr je me fait remonter. Enfin la dernière côte, la dernière descente, je me retourne : acchh, j’en ai un juste dernière moi. Dans un sursaut d’orgueil, je réenclenche le pas de un et laisse mes dernières forces dans la ligne droite.
Enfin la ligne ! 4h24 pour mes premiers 80km, je n’en reviens pas ! Heureusement que les conditions ont été exceptionnellement favorables ! D’après nos amis autrichiens, dont c’est la 8 ou 10ième, c’est la première fois qu’il fait si chaud et que cela glisse autant. Je dis tant mieux !, y’avait ka venir cette année d’abord !
Au final, je suis 62ème en 9 h 33 et Yann 116 ème en 10 h 32 de cette course gagnée en 7 h 50. Le soir, diplôme, médaille et remise des prix
(photo 29 ) dans l'auditorium de huit cents places, tout y est.Cet auditorium flambant neuf est construit sous les pistes d'alpin en profitant de la déclivité du terrain. Malgré le volume qu'il occupe, il est donc indécelable à l'extérieur. Nous délaissons les bières au profit des Koskenkorva et autres branvinn finlandaises. De zinc en zinc et de comptoir en comptoir, nous discutons avec d'autres participants, essentiellement Autrichiens, Allemands et
Suisses. La saison se termine mais certains, dont Bruno, forcément, vont courir au Spitzberg fin avril. Tiens pourquoi pas ?
Samedimanche :
Nous rentrons dès le matin à Rovaniemi, avec la liste des commissions à faire. Pour ma part, je dois acheter un renne et des skis. Je trouve le premier au magasin à Rennes et les seconds au magasin à Skis. 220 Euros la paire de skate cut ça peut le faire et Yann se dit la même chose. Bientôt, deux d'entre elles ont rejoint leurs congénères dans la housse. En fin d'après-midi, le sauna change mais le principe reste le même. Le sauna de l'hôtel est au dernier étage et agrémenté d'une fenêtre. Nous pouvons voir l'Ounasjoki s'étirer paresseusement entre ses rives. Forcément, c'est l'hiver et la rivière est dans son lit. La ville d'Alvar Aalto s'étend sous nos yeux. Non, Aalto n'est pas un violoniste mais un architecte qui a assuré la maîtrise d'oeuvre de la reconstruction complète de Rovaniemi,détruite pendant la seconde guerre mondiale. Comprendre la philosophie et la sensibilité d'Aalto,c'est probablement comprendre la Finlande. Les fondements conceptuels de son oeuvre restent sous-jacents et s'estompent au profit d'une fonctionnalité en quête de bien vivre et d'humanisme. Pendant que les Gropius et autres fadas en parlaient, lui a construit, beaucoup. Pour ceux qui n'auraient pas l'intention de se rendre à Rovaniemi dans les jours à venir, un détour par Bazoches-sur-Guyonne est recommandé, où Aalto a construit la maison Louis Carre.
Après un repas lapon et une nuit de sommeil, nous avons prévu le dimanche matin une dernière séance à Ounasvaara
(photo 30 ). Le site est à Rovaniemi ce que le parc de la tête d'or est à Lyon mais, à choisir, j'ai une préférence marqué pour le premier. Nous partons de l'hôtel à pied,traversons la rivière et chaussons sur la bande de neige rapportée qui permet de rejoindre le coeur des pistes. Il y a environ cent kilomètres, des tremplins de saut où se déroulent des coupes dumonde de combiné
Finalement, on pourrait envisager plus souvent d'y passer le week-end : départ de Lyon le matin, arrivée en fin d'après-midi, ski en nocturne le samedi soir,séance le dimanche matin et retour à Lyon en fin de journée. C'est en tout cas le programme quinous attend à la sortie de la séance, juste le temps de présenter un dernier
hommage à Hemingway(photo à droite)
Bon voilà, that's all folks ! Et l'année prochaine ? Autriche, Tchéquie ? Ou plus exotique, Islande, Spitzberg ? Ou carrément dingue, la GTJ enneigée de bout en bout ?
>>>> Voir aussi .... le reportage de l'édition 2011 de la Laponia Hiihto