L'Alaska,
l'Amérique ! J'en rêvais depuis
toujours. A 5 ans j'ai commencé
à rêver de l'Amérique... voici
le récit de mon championnat du
monde Master 1992 en Alaska
Né en 1939, je n'ai connu mon
père qu'à l'âge d'un an:
mobilisé en septembre 1939, il
avait été fait prisonnier, puis
s'était évadé des camps
allemands. Il avait comme
beaucoup de français l'espoir de
la Libération. Elle arrivait le
5 septembre 1944 à Pontarlier.
Sous l'action conjuguée de
l'armée du Général français De
Lattre de Tassigny, des
maquisards locaux, des russes
enrôlés de force dans l'armée
allemande et qui se retournaient
contre leur oppresseur, et des
chars d'assaut américains, la
garnison allemande était écrasée
en une matinée. A midi le 5
septembre tout était fini.700
prisonniers allemands défilaient
mains en l'air dans les rues de
Pontarlier.
Nous avions assisté en direct
depuis les lucarnes du grenier
de notre petit immeuble, à une
partie des combats qui se
déroulaient à quelques centaines
de mètres de nous : des
maquisards et des russes
montaient à l'assaut d'une
caserne ennemie et
l'investissaient !
Pour un gamin de 5 ans qui
n'avait vécu qu'en temps de
guerre et sous l'occupation
ennemie, c'était du grand
spectacle en temps et dimension
réels ! Pendant que toute la
haine et la rancoeur d'une
population enfin libérée se
déchaînaient puis se
transformaient en festivités en
tous genres pendant plusieurs
semaines, les gamins de ma
génération,qui ne possédaient à
l'époque aucun moyen
d'information médiatique
découvraient ces monstres
d'acier : les chars d'assaut de
l'armée américaine.
Quelques heures après la fin des
combats nous courrions déjà
derrière les blindés qui
roulaient dans un vacarme
métallique en marquant de
l'empreinte de leurs chenilles
le bitume des rues. Les jeunes
tankistes américains, toujours
souriants, nous distribuaient
chewing- gum, bonbons, chocolat
et conserves de leurs
rations, tout ce que les
privations alimentaires de la
guerre nous avaient fait
manquer. Nous étions
admiratifs, subjugués par leurs
tenues de combat, leur armement,
leur décontraction, leur bonne
humeur et leur gentillesse.
Trois mois plus tôt mes parents
qui captaient clandestinement la
BBC anglaise parlaient à mots
couverts du débarquement en
Normandie et de l'héroïsme des
combattants américains. Certes
il n'y avait pas que des
américains qui combattaient
l'envahisseur. Mais le 5
septembre 1944, nous les voyons
de près ces supermans.
Pour moi, c'est là que j'ai
commencé de rêver de l'Amérique.
Des voisins, peu de temps après
la Libération, avaient émigré
aux USA. Ils y ont bien réussi.
Ils nous écrivaient. Je
récoltais religieusement les
timbres poste. L'Alaska, « the
last frontier », c'est un peu
plus tard que j'ai commencé à en
rêver. Lorsque j'avais une
dizaine d'années je dévorais les
romans de Jack London et de
James Olivier Curwood : Croc
Blanc, Les chasseurs de loups,
les chasseurs d'ours... J'étais
littéralement passionné par les
récits d'aventures de ces Hommes
du Nord et de ces animaux dans
les immenses étendues glacées du
Grand Nord Canadien. Les
exploits des explorateurs
polaires, Amundsen, Nansen, Cook
et autres me passionnaient. Je
rêvais d'y aller un jour.Et puis
les années ont passé...jusqu'au
jour où je devais effectuer mon
service militaire obligatoire à
l'époque.
Avant de partir à l'armée le
centre de sélection de Mâcon
nous convoquait pour des tests
et des renseignements, entre
autre concernant l'Arme dans
laquelle nous souhaitions être
incorporés. Passionné depuis
toujours par le ski de piste, le
ski de fond et la montagne,
j'avais choisi les Chasseurs
Alpins. J'avais également été
impressionné par ces bataillons
de Chasseurs Alpins qui, en
1940,avaient repoussé l'invasion
italienne dans les Alpes et qui
avaient participé à la prise de
Narvik aux allemands, au delà du
cercle polaire, leur coupant
ainsi la route de
l'approvisionnement du fer
suédois, alors que sur tous les
fronts d'Europe les armées
alliées reculaient devant
l'envahisseur nazi .
Ainsi incorporé j'ai donc eu
l'occasion en tant qu'éclaireur
de montagne, de faire il y a 52
ans mes premières compétitions
de fond dans les Alpes. Hélas,
on m'a rapidement fait changer
d'orientation, pour passer la
plus grande partie de plus de 2
ans de service au sein du 27ième
bataillon de Chasseurs Alpins
dans le massif montagneux de
Grande Kabylie, bastion de la
rébellion algérienne.
Enfin libéré de mes obligations
militaires à 23 ans, je
commençai à assouvir ma soif de
Grand Nord. J'effectuais à
bicyclette, seul, 70 000km à
travers l'Europe : au sud, de
l'Espagne à la Yougoslavie, puis
à l'est du rideau de fer au sein
du bloc communiste et, bien sûr
et surtout dans les pays
nordiques :Finlande,
Danemark, Suède, Norvège,
Islande. Je totalisais alors une
année de voyage à bicyclette au
travers de la Scandinavie.
J'atteignais le cercle polaire
en Norvège le 12 août 1964, puis
le cercle polaire et le Cap Nord
islandais en juillet 1967 : à
mes pieds je contemplais l'Océan
Glacial Artic qui,seul, me
séparait du pôle nord. J'étais
alors le premier cycliste à
avoir traversé les 450 km du
grand désert volcanique froid
d'Islande. Les pistes
caillouteuses étaient jalonnées
de repères sous forme de grandes
perches de bois surmontées d'une
croix.
J'étais heureux au milieu de ce
monde minéral, volcanique, noir,
sauvage, exempt de toute
végétation. Mais il me manquait
encore l'Alaska, l'Amérique ! Je
continuais à en rêver. Lorsque
j'ai appris que les Masters
Mondiaux de ski nordique s'y
dérouleraient en hiver 1992 à
Anchorage, je n'ai pas eu une
seconde d'hésitation : j'y
participerais.
L'Alaska
J'étais seul français à
participer à ces Masters
Mondiaux 1992 en Alaska. J'y
aurai alors la triple fonction
de coureur, de représentant de
la France et de traducteur en
allemand, le français étant
exclu des réunions de la World
Master Cup ( WMA). J'avais en
effet été sollicité par le
président FFS Bernard Chevalier
pour remplacer Madeleine Vion à
la tête de l' « Activité Masters
fond et internationale ». Suite
à mon acceptation, et par
courrier de Dieter Heckmann
Président WMA (1-7-90) et
Bernard Chevalier Président FFS
(11-7-90), j'étais
officiellement désigné en tant
que Directeur National France
pour les Masters France et
Internationaux. Ce qui revenait
à dire qu'à Anchorage j'aurais
un programme chargé à assumer.
Mais j'ignorais encore que ce
n'était rien à côté des
problèmes qui m'attendaient.
Le voyage aller
J'opte alors pour le voyagiste
américain Werner Travel, basé en
Alaska pour le voyage et
l'hébergement. Je dois prendre
un vol direct Genève-Anchorage.
Mais 2 semaines avant mon
départ, ce vol est annulé ! Je
dois donc me rendre en Alaska
avec 2 changements et 4
escales : Bâle.Muhlouse/Amsterdam,
Amsterdam/New-York,
New-York/Anchorage avec escales
à Atlanta et Dallas... soit 24
heures de voyage aérien du 27 au
28 février 1992..Je contacte
alors l'équipe des coureurs
suisses pour faire le voyage
avec eux. Je dois les retrouver
à l'aéroport de Bâle-Mulhouse.
Mais le jour convenu, ils ne
sont pas au rendez-vous... sans
explication de leur part.
Lors de la première escale à
Amsterdam une douanière
américaine me pose une question
en anglais. Je lui explique que
je ne parle pas anglais.A
plusieurs reprises elle me pose
la même question !... et je lui
fais la même réponse. Mais à ce
petit jeu, je bloque la file des
passagers de New-York.
Finalement, un passager me
traduit la question : « ai-je
l'intention de poser une bombe
aux Etats Unis ? ». On était
encore très loin du 11 septembre
fatidique. Je me demande donc si
j'ai à faire à une débile
mentale et je commence à
sourire. Mon traducteur me
conseille vivement de répondre
« no », si je veux avoir une
chance d'aller aux USA.
J'obtempère... et la douanière
me laisse passer !!
Près de 6 heures plus tard je
survole New-York, la Statue de
la Liberté, les
gratte-ciel...C'est fabuleux vu
du ciel. Je dois changer de vol
.Le prochain avion se situe me
dit-on à plusieurs km de
couloirs de mon lieu
d'atterrissage. Je dois
récupérer mes bagages : housse à
skis et sac à dos. Un jeune
américain qui doit prendre le
même vol m'explique dans un
français approximatif que nous
n'avons pas une minute à perdre
pour ne pas rater notre
correspondance.
Avec nos bagages nous commençons
une course exténuante de près
d'une heure. Plusieurs personnes
tentent de nous suivre. A
l'arrivée nous pénétrons in
extremis dans l'avion avant la
fermeture des portes. Les
passagers qui nous suivaient
n'ont pas pu embarquer. Vers
minuit nous atterrissons à
Anchorage. J'ai dormi quelques
heures depuis le départ.
L'aéroport d'Anchorage est
totalement désert.
La température extérieure
voisine -20°C. Il fait nuit
noire. La navette prévue par le
voyagiste Werner Travel est
absente. Je commence à me
demander comment je vais
rejoindre mon hôtel Hilton
distant de plusieurs km de
l'aéroport. Je tente d'exposer
mon problème à un jeune couple
sympathique qui entre dans le
hall d'attente. Ils me proposent
de me conduire à mon hôtel.
Mon séjour à Anchorage
Dans
l'entrée de l'hôtel un superbe
ours blanc empaillé dressé sur
ses pattes antérieures accueille
la clientèle. Le voir en image
c'est beau, mais se trouver à
côté de lui, même empaillé,
c'est impressionnant:3,20m de
haut,800kg, et des griffes
puissantes d'une quinzaine de cm
de long. Je préfère ne pas avoir
à en rencontrer un sur les
skis ! Le lendemain la réception
de l'hôtel m'appelle et
m'explique que le voyagiste
Werner Travel n'a pas réglé mon
hébergement. On me menace de
m'expulser de l'hôtel si cette
formalité n'est pas rapidement
remplie. J'ai pourtant tout
réglé à Werner Travel.
Heureusement ce voyagiste est
basé à Anchorage. Je m'y rends
donc. La personne qui me reçoit,
me promet que tout va être réglé
rapidement. Je ressors soulagé
de l'Agence. Mais le lendemain
matin, même scénario avec la
réception de l'hôtel, même
réponse de Werner Travel, et
ceci 4 jours durant. Le
personnel de l'hôtel devient de
plus en plus menaçant. Alors
j'effectue une dernière visite
musclée à Werner Travel,où je
mets le poing sur le bureau avec
menace physique à l'appui si le
problème n'est pas réglé sur le
champ ! Lorsque je rentre au
Hilton, le personnel me reçoit
avec le sourire. Ouf ! L'affaire
est réglée.
Un matin, je suis réveillé par
des hurlements provenant de
l'extérieur de l'hôtel. Ne
voyant rien par la fenêtre, je
sors dans la rue et me dirige en
direction de ce vacarme : c'est
le départ de la plus grande
Course du Monde de chiens de
traîneaux:2000km, me dit-on. Les
huskis, samoyèdes et autres
chiens polaires sont
surexcités... On dirait le
départ de la Transjurassienne...pour
chiens de traîneaux. Des
esquimaux en costume régional
participent à cette grande fête.
La statue en bronze d'un chien
de traîneau trône sur la place !
Je fais aussi du shoping:2
superbes toques en fourrure,
renard argenté et renard bleu
pour mon épouse et ma fille !
Des crampons neige sur élastique
pour ajuster aux chaussures ;
les premiers que je vois. Depuis
ils ont été commercialisés en
France. La marche dans les rues
est très pénible dans une neige
pulvérulente épaisse et sans
consistance. Tout le monde
circule en voiture, personne ne
marche... sauf moi, ou
presque... je rencontre quelques
esquimaux en pull, blue-jean et
tennis qui titubent dans les
rues.
On m'explique que ce sont des
sculpteurs de défenses de morses
qui viennent de leur village
pour vendre dans les magasins
d'art local des statuettes
superbement travaillées.
Lorsqu'ils ont perçu le fruit de
leur travail, certains le
dépensent en boissons
alcoolisées. Ils s'affalent
ivres morts le soir dans un
renfoncement d'entrée de
magasin, y dorment en plein-air
(-10 à -20°C) jusqu'au matin,
puis rentrent dans leur
village ! Jurassien montagnard
d'origine, je me croyais endurci
au froid...mais là-dessus, les
esquimaux auraient encore
beaucoup à m'apprendre ! Mais
les chiens de traîneaux, les
emplettes, et les esquimaux ne
me font pas oublier les
compétitions. En réunions WMA,
je rencontre à plusieurs
reprises, les Directeurs
Nationaux des autres Nations
représentées. L'ambiance de ces
réunions, présidées par Dieter
Heckmann, est sympathique voire
amicale.
Le Directeur espagnol Joan
Salent parle français. Un jour
il me présente l'un de ses
meilleurs coureurs qui tente de
m'expliquer : « Yé vou oune
mosse ». Joan traduit :
l'athlète espagnol avait fait
une échappée lors d'une
compétition. Mais en tête il
s'est soudainement trouvé seul,
nez à nez avec un caribou qui le
chargeait en sens inverse de la
course ( caribou se dit « moos »
en anglais). Le coureur a
rebroussé chemin jusqu'à ce
qu'il se retrouve face à ses
poursuivants. Le caribou avait
alors disparu, d'où l'étonnement
des autres compétiteurs face à
l'attitude de l'espagnol !?
Avant les compétitions, je
décide de poursuivre mon
entraînement. Un bus rejoint
Kincaid, superbe ensemble de
bâtiments, centre des pistes de
fond.
Le premier jour je me lance sur
de magnifiques pistes de
skating :de véritables avenues
au sein de la forêt. Ça glisse
bien. Il fait près de -20°C ; de
très nombreuses bifurcations
entrecoupent l'axe principal. Je
m'y engage. Mais au bout d'une
heure de ski je ne sais plus où
je suis. Les panneaux
indicateurs sont très rares et
je ne retrouve plus Kincaid. Je
suis seul au milieu de cette
forêt polaire. Je commence à
m'inquiéter : la température
n'est guère propice à un long
séjour sans activité physique.
Par chance, j'aperçois un
fondeur qui sort d'une autre
piste. Il est à environ 200m de
moi. Je veux l'aborder mais il
s'éloigne et accélère l'allure.
J'accélère aussi mais la
distance entre lui et moi ne se
réduit guère.
C'est après 1/2heure de course
poursuite que je le rejoins et
l'interpelle en lui demandant «
where is Kincaid ? ». Il éclate
de rire : il croyait que je
voulais faire la course avec
lui. Il me fait faire une
centaine de mètres et j'aperçois
à 200m de là...les bâtiments de
Kincaid ! Les jours suivants je
ne m'aventure plus dans ce
labyrinthe de pistes sans fin.
Je tourne prudemment à quelques
encablures de Kingcaid. Mes deux
premières courses se passent
sans encombre. Je termine dans
le top 10. La dernière course,
le 50km allait à tous points de
vue prendre une autre
tournure:-28° au départ ! Deux
coureurs s'échappent...je ne les
reverrai plus.
Mais je réussis à m'insérer dans
un petit groupe de six autres
concurrents dont quelques russes
et nordiques. Pendant les 7
premiers km je ne sens plus mes
mains, figées sur les poignées
des bâtons tant le froid est
intense. Un vent glacial
accentue encore cette ambiance
de congélateur. Mais avec les
efforts violents imposés par le
rythme donné par mes compagnons
d'échappée, je finis par me
réchauffer. Nous nous battons
pendant 47km, s'échappant à tour
de rôle, pour être chaque fois
rejoint plus loin.
Toutes les attaques échouent.
Nous arrivons alors les 7 au
pied d'une longue côte. Je
pressens que si je reste avec le
groupe d'échappés, j'aurai peu
de chance d'accrocher cette
médaille de bronze au sprint.
Alors, à 3km de l'arrivée, je
tente une nouvelle échappée en
côte. Les autres concurrents
croient à une opération suicide
et ne réagissent pas
immédiatement. J'augmente mon
avance et finis 3ème. J'étais
sans doute le plus frais...si
l'on puit dire, par cette
température polaire ! Le soir
épuisé par cette course
harassante, je m'endors
rapidement d'un profond
sommeil...jusque vers 3h du
matin où je me réveille:j'étouffe !!
ma respiration devient de plus
en plus difficile.
L'idée de demander un médecin ne
m'effleure pas longtemps:le
temps qu'il arrive risque d'être
trop long. Je réfléchis:l'air
glacial que mes poumons ont dû
absorber rapidement et en grande
quantité, tant les efforts
développés au cours de la
compétition ont été intenses, a
dû me traumatiser les
bronches... ? Alors je décide de
me frictionner la cage
thoracique avec vigueur. Après
20mn de ce « traitement » tout
va bien. Je peux m'endormir à
nouveau.
Le lendemain, j'apprends que la
plupart de mes compagnons
d'échappée avaient subi les
mêmes méfaits du gel. Mais cette
course m'a valu par la suite une
grande satisfaction tout à fait
inattendue : le respect et la
sympathie des meilleurs coureurs
russes et norvégiens de ma
catégorie: le sympathique Vitali
Kourotchine, ancien champion du
monde junior, que je battais à 2
reprises à Moscou en 2005 pour
le podium, et qui m'offrait
alors sa médaille de Président
des Masters russes. Le russe
Vitali Morosov et le froid
norvégien Sverge Matberg multi
champion du monde Masters
venaient me féliciter à Brusson
en 2006 pour le podium que je
leur avait soufflé. Aux JO
Masters en Slovénie, le
norvégien Ola Svenneby, que je
battais pour la première place
aux 10km skating, m'offrait sur
le podium le bonnet de l'équipe
Masters de Norvège.
Un côté humain, chaleureux entre
coureurs de différentes nations,
qui a encore renforcé mon envie
de retrouver l'ambiance de ces
compétitions internationales. Un
jour, à Anchorage, un homme
m'aborde en français. Il se
présente : Eric Gelig. Il est
délégué par l'armée française en
Alaska. Il me fait cadeau de
l'insigne de son bataillon, et
d'un tee-shirt orné des armes de
son unité : « BA105-EVREUX ». Il
m'enverra par la suite un petit
film de la cérémonie
d'ouverture. Au cours de cette
cérémonie, un groupe d'esquimaux
en costume traditionnel effectue
une danse pataude en poussant
des cris rauques... folklore
certes, mais relativement
monotone. La remise des
médailles a lieu le dernier soir
à Kincaid à plusieurs dizaines
de km de mon hôtel. Or ce soir
là, le bus prévu dans le contrat
de mon voyagiste Werner Travel
est absent. Un sympathique
médecin américain m'y conduit.
Le retour
Le 8 mars au soir j'embarque à
l'aéroport d'Anchorage pour le
voyage-retour. Peu après le
départ, alors que nous survolons
l'Océan Pacifique Nord, l'avion
subit des secousses
inquiétantes. J'ai l'impression
qu'il s'écrase à plat sur des
plaques de béton !! Tout vibre à
l'intérieur. Cela dure plus
d'une heure et demie. C'est
stressant. A chaque choc, des
passagères hurlent de frayeur.
Je me tais, mais je ne suis pas
plus rassuré qu'elles et que
l'ensemble des passagers. Je
commence à penser qu'après être
sorti indemne de ma
participation à la guerre
d'Algérie dans une zône
particulièrement dangereuse, ce
serait tout de même navrant de
finir au fond de l'Océan
Pacifique à l'occasion d'un
simple voyage aérien. Les
hôtesses ne s'expriment pas. Le
poste de pilotage n'émet aucun
commentaire à destination des
passagers. Et puis tout
s'apaise : il s'agissait de
« trous d'air » !! Je m'endors
épuisé par cette moitié de nuit
mouvementée.
Après avoir traversé du nord au
sud la côte ouest du Canada,
l'avion fait une escale non
programmée sur la côte
américaine du Pacifique. Là,
avec tous les passagers, je
quitte l'avion pour m'installer
dans le hall d'un aérogare. Et
puis, environ 2 heures plus
tard, les passagers tentent de
regagner leurs places...A
l'entrée du tunnel qui conduit à
l'intérieur de l'avion, un
employé en uniforme, assis
derrière une petite table,
interdit le passage. J'apprends
que, pour que nous puissions
regagner nos sièges, il exige
que nous lui présentions un
ticket de sortie que personne ne
nous a remis !! Une histoire de
fou...mais qui pourrait nous
faire rater notre vol et ses
correspondances. Excédé, un
jeune américain athlétique
repousse la table, la chaise,
plaque l'employé contre la paroi
du tunnel, et nous fait signe de
passer. Nous regagnons nos
sièges et l'avion décolle.
A Dallas, escale suivante, mon
billet d'embarquement m'indique
que je dois prendre le vol 6266
pour Atlanta. Mais lorsque je me
présente avec ce billet, un
employé m'explique que ce vol
n'existe plus ! A l'affichage il
y a pourtant bien une
correspondance à 13h ce 9 mars,
pour Atlanta... ce qui est noté
sur mon billet. Je tente de
m'expliquer, preuve à l'appui,
mais l'employé reste ferme : il
faut que je reprenne un autre
billet. Alors là, après les
épisodes de la douanière
d'Amsterdam, de l'employé de
l'aéroport de la côte ouest
américaine, et maintenant de ce
guichetier, je commence à me
poser une question inquiétante :
l'Etat américain obligerait-il
certaines sociétés ou
administrations à embaucher un
certain nombre d'imbéciles pour
leur éviter le chômage ?? Et si
j'ajoute le voyagiste Werner
Travel, ce jour là, pour
l'Amérique la coupe est pleine !
Mais comme chaque fois mon ange
gardien veille : un américain
sympathique, à l'allure
distinguée, qui a tout entendu
et compris, me fait signe de le
suivre : il prend aussi l'avion
pour Atlanta. Il palabre
brièvement avec les contrôles et
je me retrouve dans l'avion. Aux
escales d'Atlanta de New York et
d'Amsterdam, pas de problème.
Finalement après 24heures de
voyage aérien de retour,
j'atterris à l'aéroport de Bâle
-Mulhouse, soulagé, mais encore
plus irrité et écoeuré que
fatigué par ce parcours du
combattant aux USA.
Conclusion
Ce que j'avais vécu dans ce
voyage en Alaska ne ressemblait
en rien à ce dont j'avais rêvé
des années plus tôt. J'y avais
totalisé une somme
impressionnante de problèmes en
tous genres. J'y avais côtoyé
l'absurdité au stade
suprême, mais j'y avais aussi
rencontré un grand nombre de
gens sympathiques, aimables,
serviables, qui m'avaient
spontanément tiré d'affaire
.
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