La mouche du coach !
S'entraîner en altitude est une
pratique courante. Cette
pratique, souvent organisée sous
forme de stage, pose tout de
même plus de questions qu'elle
n'apporte de réponses. Les
stages généralement d'une
semaine pour les clubs et les
comités, deux à quatre semaines
pour les sélections nationales
présentent un coût certain pour
des finances associatives.
Est-ce pour cette raison qu'on
ne veut y voir que des avantages
en gommant ou en ignorant les
inconvénients ? Alors, faut-il
s'y jeter sans réfléchir en se
disant que si les meilleurs
mondiaux le font il faut le
faire ? Nous allons ensemble
balayer les plus importantes
modifications provoquées par
l'exercice en altitude, les
positives comme les négatives.
Au préalable rappelons que
s'entraîner comporte des aspects
bio-positifs, les
transformations facilitant
l'exercice physique voire
provoquant une baisse de la
pénibilité mentale perçue par le
sujet, et des aspects
bio-négatifs fatigues et
blessures, voire une saturation
psychologique. L'art de
l'entraînement consiste donc à
conserver le traces
bio-positives liées à
l'entraînement tout en
minimisant les traces
bio-négatives.
Tout d'abord, s'entraîner en
plaine ou en altitude pose la
même difficulté adaptative pour
l'organisme répondre à
l'accroissement de la demande en
oxygène* (le gros mot est
dioxygène). L'organisme se
trouve en manque* (le gros mot
est hypoxie) et peu importe que
cette difficulté adaptative soit
provoquée par l'accroissement de
l'intensité de l'exercice ou par
la raréfaction* (le gros mot est
baisse de la pression partielle)
de l'oxygène, en effet l'air ne
contient pas moins d'oxygène
simplement il est présent à une
moindre pression. Il est donc
moins facilement utilisable par
l'organisme. Dans le premier cas
en plaine l'organisme est en
dette d'O2 dans le deuxième en
altitude il est en hypoxie du
fait d'une moindre saturation de
l'hémoglobine*.
Certains préparateurs ont eu
l'idée de simuler les effets de
l'altitude par des caissons de
moindre pression* (hypobare) ou
de raréfaction de l'oxygène*
(chambre à hypoxie) les effets
sont à peu près les mêmes sur
l'organisme une surproduction de
globules rouges due à la
production intérieure*
(endogène) d'EPO* (ErytroPOïétine).
On sait aujourd'hui que beaucoup
ne s'embarrassent plus de stages
en altitude, qui présentent
certains inconvénients, leur
préférant des injections
extérieures* (exogènes) d'EPO.
En somme la dette d'O2 provoque
des adaptations structurelles et
fonctionnelles,
meilleure capillarisation,
accroissement du nombre et de la
taille des centrales
énergétiques *(mitochondries)
contenues dans les muscles,
meilleure affinité et meilleure
dissociation du couple O2
hémoglobine, stimulation des
systèmes chimiques*
(enzymatiques) de production de
l'énergie. Le tout aboutit à une
diminution de la distance de
perfusion entre les cellules et
les capillaires à une meilleure
utilisation des lipides
épargnant ainsi les glucides, à
une meilleure tolérance aux
lactates mais surtout à un
meilleur recyclage des ces
lactates*(non ce n'est pas un
poison ni une toxine c'est juste
une forme d'énergie pour faire
face temporairement au manque
d'o2).
Dans le cas de l'altitude
l'organisme ne méconnaît pas ces
transformations adaptatives
simplement elles sont moins
stimulées du fait d'une
réduction des allures
d'entraînement et du fait d'une
production précoce de lactates
lesquels ont un effet inhibant
sur la contraction musculaire.
Il y aurait ainsi une sorte de
sagesse musculaire (Enoka et
coll. 1992) qui nous protégerait
d'une trop grande fatigue
nerveuse* (centrale).
L'organisme fait prioritairement
face à l'hypoxie d'altitude par
une production supplémentaire de
globules rouges* hématies. Et
c'est ce miracle là qu'on vient
chercher en altitude
Malheureusement l'accroissement
du nombre de globules provoque
une viscosité plus importante du
sang lequel circule* (perfuse)
moins bien vers les tissus. De
plus le globules produits ne
sont pas tout à fait les mêmes
ils s'équipent d'une petite
molécule qui change leur forme,
ils sont fait pour fonctionner
en altitude, pas en plaine. Du
coup «bénéfice net rendement
nul».
La seule vraie différence entre
la plaine et l'altitude c'est
l'assèchement de l'air lequel
provoque une déshydratation donc
une plus grande viscosité du
sang et une souffrance du
cerveau*(encéphale). Le cerveau
est particulièrement sollicité
en altitude laquelle provoque
généralement une
hyperventilation qui conduit en
plus de l'hypoxie à une baisse
de la pression partielle de
CO2*(hypocapnie) le cerveau se
trouve alors piégé dans une
contradiction d'information
d'augmentation du débit
sanguin*(vasodilatation) et
information de réduction du
débit sanguin*(vasoconstriction)
le problème de notre cher
cerveau est qu'il est contenu
dans une boîte aux dimensions
constantes l'afflux sanguin
cause douleurs et oedèmes*(Mal
Aigu des Montagnes) il est
également prioritaire et il est
très sensible et à la baisse de
la glycémie et à la
déshydratation. Deux phénomènes
se conjuguent alors une
altération de la motricité et
une réduction de la vitesse
d'entraînement. Il n'est donc
pas certain que les acquis
techniques que le skieur vient
chercher sur la neige d'altitude
soient transférables en moyenne
montagne à vitesse de
compétition. « Bénéfice net
rendement toujours nul».
Interrogeons-nous maintenant sur
la durée du stage.
L'acclimatation à l'altitude
n'est réelle qu'à partir d'une
semaine. La première phase aiguë
ne devrait donc être utilisée
qu'à des exercices de faible
intensité, balade et footing,
sorties ski très lentes. Les
semaines deux et trois
pourraient alors être utilisées
pour accroître progressivement
la quantité et l'allure des
entraînements. La quatrième
semaine permettant des allures
d'entraînement proches de celles
réalisées en plaine serait
vraiment productives. Le stage
d'une semaine par souci de
rentabilisation du déplacement
serait donc trop intense et
n'aboutirait qu'à une forme de
surentraînement ou en tout cas à
l'installation de nombreuses
traces bio-négatives les traces
bio-positives n'ayant pas eu le
temps de se mettre en place.
« Bénéfice net rendement nul ».
Si le stage est efficace les
effets sont-ils durables ?
Il y a consensus entre les
différentes études pour dire que
les traces positives persistent
environ trois à quatre semaines.
Pour ceux qui préparent une
compétition importante le délai
optimum pour placer la
compétition semble être de
quelques jours après la descente
en plaine 3 à 4 ou 14 à 21
jours. La période la plus
néfaste semble être la période
intermédiaire de 5 à 14 jours.
Passé ce délai de trois à quatre
semaines l'organisme est de
retour à son état initial.
Quelques études divisent la
population de bons et en mauvais
répondeurs les résultats sont
flous et les bons répondeurs
d'une année ne sont pas
forcément les mêmes l'année
suivante ce qui relativise la
portée de ces études. Un
consensus se dégage quant à la
pertinence de l'entraînement en
altitude pour préparer une
compétition en altitude. Là
encore il faut jouer fin soit on
arrive de la plaine quelques
heures avant la compétition en
altitude pour éviter la phase
aiguë d'acclimatation, soit on
arrive un mois avant. Les autres
délais sont inopérants. Enfin il
n'y aurait aucun intérêt à
s'entraîner en altitude pour
préparer une compétition en
plaine. Quelques auteurs et
quelques entraîneurs se sont
interrogés sur d'autres
modalités de mise en œuvre,
s'entraîner bas et vivre haut.
Ou l'inverse s'entraîner haut et
vivre bas. Plusieurs études
militent en faveur du
s'entraîner bas et vivre haut,
l'idée est alors de cumuler les
avantages de l'entraînement en
plaine sans les effets négatifs*
(délétères) de l'altitude et de
profiter durant la nuit des
effets positifs de l'altitude,
la production massive de
globules. On se souvient d'Hervé
Balland, et de ses nuits au
sommet des remontées de Tignes
et, qui redescendait s'entraîner
à 2000, tout de même. Pauvre
Hervé qui devait faire face aux
nordiques et aux athlètes de
l'est dans la pire période de
l'utilisation de l'EPO dans le
ski de fond et le cyclisme
etc...
Se pose alors de la question de
l'altitude optimale ?
L'altitude 3000m semble être une
limite supérieure pour ne pas
exposer l'organisme inutilement.
En dessous de 1500m les effets
sont insignifiants il y a
consensus pour une efficacité
maximale obtenue entre 2100 et
2500.
Mais la question de
l'entraînement ne se résume pas
à la production de globules,
dans ces stages on y tisse des
liens, on y renforce sa
motivation à faire des séances
de ski-roues l'été, car on se
prépare à monter pour faire du
vrai ski, on redescend rassuré
si on a été un peu raisonnable
et encore plus motivé pour
s'entraîner avec les bâtons ou
sur les skis roues. En attendant
le deuxième stage ou l'hiver
tout proche, on se dépayse on
casse la routine. On s'endurcit
en enchaînant les séances, en
bravant le froid, le vent, on y
apprend l'équilibre*(la
proprioception) en glissant sur
des neiges soufflées, ondulées,
cartonnées. On se prend pour un
vrai champion parce qu'à bloc au
bout de trois km on dépasse le
meilleur norvégien qui en est
déjà au 50°km ou à sa troisième
séance du jour. Hé oui il est
déjà monté le matin tôt en ski
roue depuis la plaine car lui
dort parfois en bas. Ou alors on
le croisera à la frontale
quelques heures plus tard en
train de monter de nuit au
refuge car celui là dort en
haut. Surtout on reprend contact
avec la neige, car le ski roues
a ses limites aussi et le
toucher de neige ça c'est
irremplaçable. Pour les masters
j'oubliais, n'oubliez pas de
trinquer avec une bonne bière
car cela recule indubitablement
la mise en bière ! La bonne
humeur est encore le meilleur
anti-oxydant contre les radicaux
libres.
En conclusion :
Pour des athlètes de
haut niveau, les
études les plus
récentes militent
pour le vivre haut
et s'entraîner bas,
même si un effet
placebo serait
suggéré, les effets
semblent faibles sur
des athlètes déjà
entraînés et qui
disposent d'une
masse d'hémoglobine
déjà importante.
Pour des sportifs
récréationnels, si
l'on ne s'y présente
pas trop naïf et pas
trop enthousiaste
quant à ses
capacités du moment,
si l'on y arrive pas
trop crédule quant
aux effets espérés
le stage en altitude
peut être positif
mais pas toujours
pour les raisons
pour lesquelles on y
était venu au
départ.
Il ne faut pas non
plus en méconnaître
les risques. Une
fois de plus l'abus
n'interdit pas
l'usage*(Abusus non
tollit usum » |
Coach Brunus
Article écrit pour l'association
des masters. Bruno Legrand DEA
sport et performance mention
physiologie UCBL Lyon 1
Références :
Enoka 1992
Richalet 2005 et nombreuses
publications
Guezennec 2005 et nombreuses
publications
Schmitt 2006
Schmitt 2008
Millet 2010
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