La
mouche du coach !
Article écrit pour la revue
GMC38 modifié pour l'association
des masters.
Bruno Legrand DEA sport et
performance mention physiologie
UCBL Lyon 1
Elle
est la plus fidèle compagne du
sportif de compétition : La
fatigue. Chacun de nous, sans
doute pour en atténuer les
effets ou
mieux l'apprivoiser lui donne un
petit nom. C'est de la bonne
fatigue !
Elle peut aussi être chronique,
douce, grosse, aiguë,
insidieuse.
Parfois, comme la chaleur elle
frappe fort, et c'est alors de
coup de fatigue qui assomme,
comme le coup de chaud, jusqu'à
l'évanouissement, celui qui en
méconnaît les signaux d'alerte.
Le but de l'entraînement,
compétitions comprises, est de
stresser les capacités
adaptatives de l'organisme afin
d'en modifier les potentialités.
L'espoir initial est bien sûr de
les augmenter. Le sportif
généralement y parvient, il
progresse et la fatigue est
alors vécue comme la
contrepartie inévitable des
transformations de l'organisme.
Comme la preuve ultime que l'on
a bien travaillé. Le problème
avec l'entraînement c'est que ça
fatigue. L'art de s'entraîner
consiste donc à conserver les
effets bio-positifs des séances
et d'en éliminer les traces
bio-négatives, la fameuse
fatigue. Cela se fait
généralement par une période de
repos ou
d'allègement des charges à
proximité des objectifs majeurs
du sportif.
La fatigue, si elle est bien
perçue par l'athlète, qui en
ressent les effets sur son corps
mais aussi sur sa motivation,
est difficile à
caractériser, à décrire dans ses
causes profondes. Elle n'est pas
univoque*(une seule cause)
elle résulte toujours de
plusieurs
causes* (elle est plurivoque).
En méconnaître les signaux c'est
s'exposer à ses manifestations
les plus profondes dont le
surentraînement, over-training
ou burn-out, mot à mot brûlé,
cramé en langage sportif.
Laurent Schmitt, biologiste de
l'ENSF Prémanon, lors du
colloque 2008 de la FFC, nous
confirme qu'il y a deux sortes
de fatigue. Son protocole vise à
étudier la variabilité de la
fréquence cardiaque. Ces
paramètres complexes peuvent
nous renseigner sur l'énergie
disponible dans les deux
systèmes qui régissent
l'organisme. On parle alors de
tonus sympathique et de tonus
parasympathique. Le premier vise
à la réponse de l'organisme, via
l'adrénaline, aux sollicitations
du monde. Initialement ce
système permettait la fuite ou
la riposte face à une menace.
Pour le sportif ce système
prépare l'organisme à la
compétition par une mobilisation
de l'appareil cardio-vasculaire
et par la mobilisation des
substrats énergétiques.
C'est un système accélérateur.
En contrepartie nous sommes
dotés d'un système cardio-modérateur,
et, plus généralement d'un
système d'épargne des ressources
et de stockage des substrats,
via la noradrénaline. C'est un
système freinateur.
L'originalité du propos de
Laurent Schmitt est de dépasser
l'étude scientifique des
paramètres mesurés, pour
proposer une véritable stratégie
d'interprétation, à partir de
signaux simples directement
accessibles pour le sportif.
L'interprétation faite, il
propose une stratégie
d'intervention sur le terrain.
Laurent Schmitt décrit
deux types de fatigue, la
première sympathique. La plus
évidente, la plus rapide à
s'installer, mais aussi la plus
simple à juguler.
Il s'agit face au tableau
clinique : augmentation de la FC
de repos, augmentation de la
pression artérielle, perte de
poids,
récupération plus longue, perte
de sommeil ou sommeil agité,
perte d'appétit ; de répondre
par une stratégie déjà bien
connue : Arrêt de la
compétition, arrêt des sorties
d'intensité et reprise d'un
module foncier à allure modérée,
DT1
distance training1 FC comprise
entre 130-135-140. C'est la
sympathique fatigue qui vous
suggère le repos bien mérité du
guerrier.
La seconde plus lente à
s'installer, mais aussi beaucoup
plus insidieuse, peut conduire à
des surentraînements graves.
Certains
athlètes peuvent mettre une à
deux années pour en récupérer,
il arrive même qu'en des cas
extrêmes l'athlète ne s'en
remette
jamais vraiment et qu'il arrête
sa carrière prématurément. Le
tableau clinique correspondant
est très trompeur puisqu'il
laisse
croire que l'athlète va bien.
Diminution de la FC de repos,
légère baisse de la pression
artérielle, légère augmentation
du poids,
récupération courte, bon sommeil
ou hypersomnie, bon appétit
(parfois voracité). L'entraîneur
et le sportif dans leur réponse
intuitive aggravent souvent le
phénomène. La stratégie est
surprenante, il s'agit au
contraire de nos habitudes de
stimuler
l'organisme en réduisant le
volume foncier, pour ne
conserver que les séances
courtes, ludiques ou intensives.
C'est l'insidieuse
fatigue.
Nous avons mené, avec l'équipe
de l'Hopital Lyon Edouard
Herriot, Dr Cottet-Eymard
et Dr Pecquignot, un protocole
de recherche qui vise à détecter
les signaux précurseurs de
l'installation de la fatigue.
Filaire E, Legrand B et coll. J
Science Medicine 2002 et Filaire
E, Legrand B et coll. J
Sport Int Med 2004. Nous avons
étudié les réponses hormonales
lors d'un stage cycliste
intensif de quatre jours
effectué en début de saison.
Nos résultats montrent
l'activation anticipée du
système sympathique dès la
veille du stage. Vous avez tous
ressentis cette douce
excitation, appelé stress
anticipatif, la veille d'un
stage, ou d'une compétition.
Cela se traduit par une lente
montée
d'adrénaline afin de préparer
l'organisme à l'effort (FC+). Le
stage lui même augmente la
production d'adrénaline. Pendant
les
trois jours suivant le stage on
constate une sur-activation du
système parasympathique, lequel
restaure les substrats
musculaires et hépatiques en
plaçant l'organisme dans une
sorte de léthargie peu propice à
l'effort (FC-). C'est la période
de surcompensation.
Cette période prend environ
72h00, délai au bout duquel
l'organisme est de nouveau prêt
à en découdre.
En conclusion, si vous voulez
faire bon ménage avec votre
sympathique fatigue et vivre
longtemps et en bonne
intelligence avec elle, soyez-y
attentif, réagissez vite et bien
à ses signaux d'appel, sous
peine que l'insidieuse fatigue
ne vous laisse pantois et sur
les rotules pour longtemps.
Coach Brunus
Publications :
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Source Bibliographique
Schmitt,Hellard et coll. 2006,
int J sport medicine.
Schmitt,Régnard et coll. 2013,
PLOS One.
Filaire,Legrand et coll. 2004,
int J Sport Science.
Filaire,Legrand et coll. 2002,
int J sport medicine. |