Gaedic PIRON : une réponse surprenante

Elles sont dues au hasard. Vous vous trouvez placé au départ à coté d'un concurrent avec lequel vous engagez une conversation, ou tout au long des kilomètres vous ne cessez de doubler et redoubler le même groupe, et finalement une fois la ligne d'arrivée franchie vous liez amitié !
A Bessans lors de l'épreuve en classique j'ai fini au coude à coude avec un concurrent qui n'avait pas fait un seul pas d'alternatif. A la Foulée Blanche, toujours en classique, je suis arrivé sur le plateau de Gève en même temps que ce même coureur qui avait fait cette ascension, ne comptant que sur sa seul force des membres supérieurs. A la Transjurasienne, je n'ai vu ce même compétiteur qu'une fois la ligne d'arrivée franchie ! Et pour cause il venait de réaliser la 79 ème place en 2h13'22'' à la seules force de ses bras.
Une façon de faire qui pose question ! Dans un monde où tout est codifié, un coureur qui s'impose un effort aussi violent, au détriment de la performance et au profit d'un plaisir qui reste à prouver, interpelle le voisinage, même après un effort violent.
Mais Piron Gaédic a un secret.
Une fois de plus la réponse dépasse le cadre étroit de l'imagination. J'avais pensé à des entrainements spécifiques mettant en action que les membres supérieurs. A Bessans le parcours aurait pu se prêter à la poussée simultanée. La Foulée Blanche et plus encore la Transjurassienne 2011, offraient un territoire totalement inadapté à cette façon de faire. Mais alors pourquoi Piron Gaédic officiait de la sorte ?
Piron est né à Pontarlier en 1967. Il habite au Monêtier les Bains depuis plus de 20 ans. Il a deux filles de 15 et 17 ans. Jusque là rien qui puisse répondre à mes interrogations. En 1987 il a participé à l'expédition "Le pôle Nord en ULM" aux côtés de Paul Emile Victor et de Nicolas Hulot. Il enchainera par la suite la "Translaponie 88", traversée à ski de la Laponie sur 1103 km, puis la descente du fleuve Mackenzie au Canada en 1993.
Il a un passé de coureur à pied, le marathon en 2h30 et d'alpiniste assez étoffé. Il pratique le yoga régulièrement. Étais-ce la réponse ? Pourtant en 1994, il a fait partie de l'équipe qui préparait les jeux paralympiques en ski nordique. A cause d'une classification peu souple il n'a pu y participer... C'était aussi sa première transju en poussée !
Alors Piron pourquoi cette frénésie de poussées, « En 1990 j'ai fait une chute de 15 m et je me suis lourdement cassé différentes parties du corps et plus particulièrement les membres inférieurs. Cela m'a valu une année passée en centre de rééducation et à l'hôpital. Des séquelles neurologiques m'ont empêché de récupérer totalement. Je me suis alors adapté et appliqué à faire fonctionner ce qui pouvait encore l'être ». Les masses musculaires des membres inférieurs ont fondu. Il lui reste les membres supérieurs mais surtout une force incroyable au niveau de l'esprit !
Il rajoute aussitôt, « Après avoir pratiqué la compétition pendant quelques années en ski nordique, j'ai arrêté en 1999 pour me consacrer à la rénovation de ma maison. Je n'ai repris qu'en 2009. C'est tout récent ! »
Ce qu'il aime par dessus tout, c'est aller à la rencontre de l'autre lors de voyages hors des sentiers battus avec ou sans ses enfants. Il est attiré par les peuples du nord. Il tient à préciser « Je veux me sentir vivre au travers de diverses activités sportives. Le ski de fond tient une place majeure. Je vais parfaire ma connaissance des peuples de l'Arctique et me donner les moyens, un peu plus chaque année, pour réaliser de belles courses en ski de fond et continuer à progresser, à échanger et plus tard, pourquoi pas, à transmettre ».
Un Masters qui trouvera rapidement sa place parmi nous. Une force et une gentillesse qui ne pourront qu'apporter plus de richesse, à une catégorie déjà forte d'un panel de personnalités étonnantes.
Gilles Grindler