Et hébergé chez des inconnus rue… Bofinkwägen…
J’avais choisi cet hébergement pour l’adresse, bien sur, et dans l’idée que peut-être ce serait des amis d’Inga Lill et Hans (mes précédents hébergeurs). Quitte à être seul, autant n’être pas en terre inconnue. Mauvaise pioche.
J’avais tout de même loué une (petite) auto car les correspondances de train ne m’arrangeaient guère. Pour cause de championnats du Monde organisés cette année aux pieds de Mora, à Falun, la Vasa était repoussée d’une semaine : le 8 mars, journée internationale de femmes. Chic : cela me permit de courir en Pologne les Bieg Piastow le week end précédent. Hélas sans Isabelle qu’un risque de décollement de rétine empêcha, au tout dernier moment, de prendre l’avion pour Prague !
Mon temps très honorable de 2014 m’octroyait une 5ème ligne bien réconfortante.
Ce serait ma 27ème édition (en réalité mon 28ème passage sur ces 90 km). Et l’ami Beaucher, Jean-Philippe, fidèle à son habitude prise déjà depuis quelques années, devait boucler sa 25ème édition (et 27 Vasa ou Öppet Spar) le lundi précédent, le 2 mars.
Patatras : le mercredi 25 il m’adresse un courriel pathétique « pour t’informer qu’il ne faudra pas chercher mon nom lundi soir… ».Voyage annulé pour cause de maladie de son acolyte, Michelle Robin. « Tous les 10 ans je m’accorde une pause : déjà en 2005 pour cause de grève des trains. Pas trop fier, mais la solitude suédoise ne m’enchantait guère. Ma famille me manque … et la question du « pourquoi encore ? » me taraude…Voilà, je n’abdique pas, mais on va dire que j’ai un moment de faiblesse… »
Une Vasa sans savoir Jean Philippe présent (lui qui me suit de peu pour la course aux 30 Vasa, sésame du club des Vétérans : 25 à 27) : c’est vraiment une année bizarre !
Et puis le samedi 28 février, tandis que je dîne avec Courtine, Héroult et Cie à Szklarska Poreba, entre deux Bieg Piastow, m’appelle le Jean-Philippe : il a craqué, acheté un dossard de la Vasa à la dernière minute et me demande si j’ai une petite place pour lui, dans mon auto, chez mon hôte ?
Quelle question !
Et c’est comme cela que les deux compères français de la Vasa se retrouvent, une fois n’est pas coutume, ensemble pour leur folie annuelle !
Et que cette année encore, je n’aurais pas été solitaire.
Les deux meilleurs
français de la Vasa … en
nombre de participations
sinon en chrono .
Les meilleurs ?
C’est le titre que j’avais donné, quelques semaines plus tôt, à un papier souhaité par Gilles Grindler,(à ne surtout pas confondre avec les Worldloppet Masters, encore que…) pour contrer l’esprit trop compétiteur de certains de ses adhérents…
Je ne résiste pas à reproduire ici cet article qui doit tant à la Vasa :
Je suis « le meilleur » !
Et pourtant je n’ai jamais gagné de course : pire je ne suis jamais parti avec l’idée que je pourrais gagner une course. Ni même me battre pour terminer en haut du classement !
D’ailleurs je ne connais même pas le nom de celles et ceux qui pourraient gagner et ne me souviens jamais du nom de celles et ceux qui ont gagné. Cela ne m’intéresse pas. Désolé.
On ne vit pas dans le même monde et pourtant j’ai besoin d’eux comme ils ont besoin de moi.
Et je persiste : je suis le meilleur.
Je n’ai eu de licence officielle que durant deux saisons (c’était au siècle passé, dans les années 80) et cependant j’ai inscrit (à ce jour) à mon compteur… 390 courses à pieds (et au total 8 237 km), 311 courses à ski (et … 15 023 km), 119 en VTT (4 850 km), 32 raids et triathlons (1 802 km), 9 courses en roller (… 9 fois les 24 h du Mans) et 9 courses en canoë (191 km).. Et je ne parle pas des Chemins de Compostelle ni des Mont Blanc et autres Kili que j’ai eu grand plaisir à gravir.
Comment je le sais ? Parce que je note toutes mes courses, … parce que je suis un compétiteur ! Mais, un compétiteur comme c’est écrit sur le fronton de la Vasaloppet ou de la Dolomitenlauf : c’est seulement contre moi que je me bats, et toujours avec les autres, avec tous les autres.
Chaque course (c’est-à-dire grosso modo 3 week end par mois depuis 35 ans…) est une épreuve où je donne le meilleur de moi-même, même et surtout parce que ce n’est pas beaucoup mais sans jamais avoir sacrifié mon bonheur de vie quotidienne pour gagner des secondes. Je ne me suis jamais entrainé autrement qu’avec un dossard sur le dos.
Courir c’est d’abord du plaisir, ensuite de la solidarité (de la communion), enfin un résultat : au début je me fixais l’objectif de 150 % du premier, aujourd’hui je me contente de ne pas mettre le double de leur temps. Résultat : je dure…
Et je suis le meilleur !
Ce n’est pas une boutade.
La solidarité, la communion : c’est le bonheur de croiser Jacques P. au Marathon de la Clarée qui m’interpelle par ces mots : « Mais que fait un spécialiste de la Worldloppet ici ? » et me donne des nouvelles du pays, ou Gilles G. qui m’encourage sur les derniers hectomètres « Vas-y Boris, tu es bien ! » Daniel qui s’étonne de me voir classé au Marathon Ski Tours, moi le non-licencié ! « Même qu’à ce jour je suis le premier des V8 à V12 » que je lui réponds…Ou Régis avec qui nous avons inscrit cette année le Marathon du Lac de Baïkal, en Sibérie, à notre programme…
Depuis 36 ans que je traîne mes lattes je m’en suis fait des amis et aucun ennemi. Je me suis souvent arrêté pour aider un inconnu dans la souffrance, prendre des photos (c’est ma marotte) ou causer, causer. Les secondes passent : et alors ?
Je respecte les gagnants : et je demande qu’ils nous comprennent, nous les clampins. Je n’ai pas de licence, pas vraiment de club, nul ne suit mes perfs (sauf moi) mais je paie mes droits d’inscription ! Et je fais la masse : sans nous, les faux champions qui se battent (et je les respecte et ne les méprise surtout pas) pour être dans le top 3 des plus de xx ans n’auraient plus de terrains de lutte.
Je pense qu’il y a la place …
· pour les professionnels : les sportifs de haut niveau : ceux qui passent à Eurosport,
· les toujours compétiteurs (qui ont gardé la rage de vaincre même si le corps ne suit plus tout à fait)
· et nous : la masse des autres… qui avons toujours privilégié le plaisir au résultat … même si en fait nous souffrons souvent bien plus longtemps que les précédents !
Alors je n’ai jamais participé à des courses Master (mais je comprends très bien le plaisir qu’en retirent les autres), je n’ai pas même le droit d’adhérer à l’association des Masters (puisque je ne suis pas un vrai compétiteur, c’est-à-dire licencié), je suis choqué par le principe du ticket course à 10 € par épreuve qu’impose la FFS pour les non licenciés : je suis déjà assuré et bien assuré par ailleurs !
Mais je suis le meilleur ! Le meilleur français ! Pas par le nombre de Masters Worldloppet que je totalise : avec 11 (fois 10 épreuves internationales) je suis loin derrière Hannes Larsson.
Mais par le nombre de Vasaloppets terminées : 26 à ce jour, sans doute 27 dans 15 jours. Cherchez bien : il n’ ya pas (encore) d’autres Français qui me battent ! Le meilleur, vous dis-je. Bon la Vasa ce n’est que 90 km, c’est pas mal plat mais c’est tout de même une vraie course, avec 15 000 concurrents au départ. Pour mes premières éditions (dans les années 1990) je mettais 8 heures. Aujourd’hui, je boucle en7 heures ! Une heure de moins qu’il y a 25 ans : y a pas à dire, je suis le meilleur.
Mon objectif est d’être le premier Français membre du Vétéran Club de la Vasa qui n’est ouvert qu’aux skieurs ayant terminé 30 années différentes une Vasaloppet : vous voyez que je suis un compétiteur. Comme vous. Sauf que 30 Vasa, c’est surtout un objectif de vie, pas de saison.
Eh oui, ma vie c’est (aussi) la compet’, ce sont les secondes ou minutes gagnées (perdues) …même si je ne suis pas, n’ai jamais été, n’ai jamais rien fait pour être …devant, pour être le meilleur !
Et nous voici, Jean Philippe et moi, unis sur le chemin de la gloire….
Mais une gloire particulièrement chaude cette année ! Les prévisionnistes nous annoncent une température au départ de +4° … et dans l’après midi vers Mora de + 8° ! Du jamais vu en bientôt 90 ans de Vasa… Le réchauffement climatique serait-il déjà en train de s’attaquer à la reine des courses ? Bon, cela me change des -28° du Canada, 15 jours plus tôt…
Quelques modestes nouveautés en 2015 : la suppression du toboggan de l’arrivée, une distribution des dossards encore améliorées, l’école rasée aux pieds de la statue de Vasa, les diplômes remis dans une chapelle …
Mais toujours Oscar et ses proprios chinoises qui mêlent pasta-parties, ragout suédois et spécialités asiatiques pour quelques couronnes…. Où je donne rdv à un autre habitué de la Vasa, Nicolas Fontaine, qui approche les 10 participations….
Repos le samedi pour moi, fartage avec le plus chaud des tubes « universel » et bise à ma petite russe… qui réussit à vendre à JPB une opération rainurage sur ses vieux Rossignol des années 80 !
Et c’est par le premier bus du dimanche matin à 4 heures que nous partons pour Sälen.
C’est étrange : c’est le seul jour de l’année où me lever à 3heures, manger des spaghettis à point d’heure et roupiller (mal) dans un bus ne me coûte pas !
Jean Philippe a récupéré une 9ème ligne (par principe assurée pour ceux qui ont bouclé 15 éditions) pour sa 25ème année de Vasa… qu’il entame sans préparation aucune. Tout au plus deux ou trois courtes sorties avec son Joseph qui préfère le surf ou fond, comme tous les ados.
Pour ma part, j’ai bien poussé les semaines passées en Pologne notamment et la température élevée ne m’angoisse pas plus que cela.
A tort : c’est très vite très fatigant, éreintant. Oh, pas d’éviter les flaques d’eau (des belles mares, parfois presque des étangs) qui parsèment la piste mais de pousser sur les canes pour garder un bon rythme. Bien parti dans la première côte (tiens, il me semble qu’ils l’ont aménagée cette année, cassé la petite bosse du premier virage après la route) je cale entre Smägan et Mangsbordarna où d’habitude cela glisse tout seul.
Le chrono s’en ressent (et le classement aussi : certains me dépassent les mains dans les poches. C’est d’un énervant !!!). Je perds 700 places et peine à tenir le 14 km/h.
Je comprends vite que je ne passerai pas cette année sous les 7 heures. Au moins les cotes se montent bien. La neige est certes détrempée mais surtout, et cela est plus surprenant, elle colle ! Même les meilleurs ont souffert qui mettront cette année plus de 4 heures pour boucler cette Vasa.
Alors je pousse, pousse, pousse encore et profite des passages un peu pentus (vers Oxberg et Hökberg) pour résister à la meute. 4080ème à Risberg (au 35ème km), 4012ème à l’arrivée. En 7h20’43’’. Heureux d’en avoir fini : cette année, pour l’une des premières fois, j’ai trouvé le temps long et senti quelque lassitude à traîner mes guêtres sur ces 90 km ! Je reviendrai, bien sur, mais je ne suis pas pressé de connaître de telles conditions….
Comme souvent, ma place à l’arrivée me réconcilie avec moi : je ne suis pas (encore) has been.
Et le nombre de sacs vestiaires de 5ème ligne me conforte dans cette opinion.
Je pense alors à Jean Philippe qui doit sacrément en baver.
Isabelle, qui me félicite à peine la ligne passée (miracle de l’informatique) m’annonce son temps probable : 11h40.
Il en bave mais un Beaucher ne rend pas les armes : il sait qu’il est dans les temps et profite ( ?) des traces qui durcissent légèrement à la nuit tombée et de la chenillette qui les a remises en forme, pour finir à bon rythme. Les derniers mettront près d’une heure de plus !
Nicolas Fontaine, avec un chrono de 8H41 met 1H20 de plus que son Öppet Spar du lundi précédent où pourtant il avait cassé une … chaussure ! Satanée neige…
Dernière nouveauté 2015 : un nouveau look pour le « Diplom » ma foi plus rustique et sympathique que le précédent.