La légende du lac Baïkal ….
On raconte ici que le père
Baïkal est un homme : un homme
vénérable, généreux et à
l’abondante barbe blanche. La
légende lui attribue … 307 fils
(les 307 cours d’eau qui
l’alimentent tout le long de ses
700 km) et une seule fille, la
belle Angara qui, à son
extrémité sud est la seule
sortie de ses beaux flots bleus
et purs.
Baïkal, comme tous les pères, adore sa fille et ce d’autant plus qu’il n’en a qu’une. Pour la garder près de lui, il la promise au frêle Irkoutsk qui coule nonchalamment à quelques km de là.
Mais les oiseaux migrateurs, les phoques coquins, les hérons si élégants ont vanté à Angara la beauté, la puissance, la grandeur du bel Ienisseï qui s’en va tout au nord à travers les steppes et taïgas sibériennes rejoindre l’océan glacial arctique !
Angara en est folle amoureuse, mais le père Baïkal ne veut rien entendre. Un étranger, un gars du nord : pas question.
Mais ce que fille veut : avec la complicité de ses 307 frères qui ne peuvent rien refuser à leur sœur chérie et qui toute une nuit accaparent le père Baïkal et trompent sa vigilance. Angara s’enfuit à grand cours d’eau et se jette dans les bras de son amoureux.
Lorsque son père comprend sa mésaventure, il est trop tard. Mais sa colère est immense et la légende dit que certains jours il perd son calme habituel : brusquement il tempête, hurle, et soulève vents et forêts de douleur et de rage….
Il
ne fait pas bon naviguer ou
glisser sur le lac en ces
temps-là…
Pas de veine, le père Baïkal s’est mis en colère au quatrième de nos dix tours du marathon à ski de Baïkal !!!
Et nos frêles skis de compétition, nos bâtons de carbone, nos combinaisons toutes fines durent affronter, en rafales incontrôlables, des coups de vents de 50 Km/h et plus ! Difficile d’avancer contre, impossible de planter les canes lorsque le vent soufflait de côté… La glace si douce à skier jusqu’alors devenait muraille, toupie, montagne !
Petit à petit, le père Baïkal se calma et c’est presque sereins que nous pûmes boucler nos 10 tours de 5 km chacun sur la belle glace du lac tout gelé… aux abords de la petite ville de Maksimikha.
Courir la Marathon du lac Baïkal est une aventure aussi belle, chaleureuse que singulière !
Déjà il faut comprendre qu’il n’y a pas un millimètre de neige sur le lac et moins encore aux alentours. En fin avril le printemps est là, tout proche, et le thermomètre peut brutalement monter à 20 ° C et … plus, quelques minutes après une courte chute de neige qui ne tient bien sûr pas. !
Mais le roi des lacs est là. La plus grande réserve d’eau douce du monde. Jusqu’à 1667 mètres de profondeur.
Le marathon est « tracé » quoique ce mot semble étrange vu le parcours, sur une anse du lac peu profonde et abritée (enfin sauf ce samedi 25 avril pendant la course) qui assure une surface plane. En fin avril, le lac commence à fondre en surface ce qui permet de le travailler. Comment dire ? De le brosser avec une sorte de gros râteau tiré par un scooter des neiges.
Le
résultat est tout bonnement …
parfait ! Du moins en skate :
impossible d’imprimer dans la
glace la moindre trace de
classique. Mais en patins,
l’accroche est excellente et la
glisse merveilleuse. Les
meilleurs atteignent, parait-il,
des vitesses de 40 Km/h et
plus !
Euh ?... sans vent !
Sous ces quelques mm de glace fondue, une vingtaine de cm de bonne glace suffisent à assurer la sécurité : nous avons vu y rouler des gros camions pour amener tribunes et panneaux publicitaires…
Pas de soucis pour doubler : c’est le seul tracé de course qui est … plus large que long ! A droite du parcours marqué par des branches de bouleau vissées dans la glace, comme à gauche… des km de glace bonne à skier !
Bref de très belles sensations… sauf quand le père Baïkal se souvient de la trahison de la belle Angara ! J’ai même cru un instant que le lac montait à 30 % !
la “bénédiction” de la course
par le chamane...
et le traçage sommaire de la
piste !
5 Français étaient de la partie
Nous étions 5 Français sur ce marathon, parmi une centaine de russes… et de mongols ! La Mongolie en effet est toute proche et la Fédération mongole de ski avait affrété un car entier de skieurs, dans l’ensemble très jeunes, pour participer à cette épreuve. Quelques estoniens et un allemand complétaient le tableau.
Le Marathon du lac Baïkal «était (est), pour la première fois cette année, au programme de la Russialoppet http://www.russialoppet.ru/ et c’est comme cela que nous en avons appris la connaissance. La Russialoppet, bâtie sur le principe de la Worldloppet, regroupe 21 épreuves de longue distance réparties sur tout le territoire de l’immense Fédération de Russie.
Maksimikha, siège de cet ultime épreuve de la Russialoppet … n’est pas en Russie proprement dite mais en république de Bouriatie, qui est l’un des Etats regroupés dans la Fédération de Russie. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouriatie Et c’est la Fédération de Ski de cette république de Bouriatie qui organise ce Marathon du Baïkal. Plus précisément son Président, le merveilleux Bair Dorzhiev (barisadv@yandex.ru) qui nous reçut avec toute la sympathie d’un russe/bouriate et toute la diplomatie du Président d’une modeste Fédération de Ski qui souhaite que son pays soit mieux connu et reconnu. Un régal. Ce marathon est né de la volonté d’un skieur international originaire de cette région, Alexandre Uchakov qui voulait poursuivre l’entrainement durant le printemps…
5 Français, tous habitués de la Worldloppet : 2 jurassiens, Jean-Pierre et Ginette Henriet, un savoyard, Régis Peschot et deux parisiens Isabelle et Boris Petroff … qui jamais ne se sentit plus russe que là-bas, dans son pays d’origine !
Plus une Française, Monique Vuagnat, non compétitrice mais qui avec amour … et calculette nous encouragea à chaque tour.
Car il fallait les compter ces 10 tours !
En réalité, 4 tours seulement (20 km) pour les femmes vétéranes de plus de 60 ans (donc Isabelle) et 6 tours (30 km) pour les femmes de moins de 60 ans (donc Ginette).
Pour les hommes (de moins de 70 ans) le régime était bien de 10 tours (50 km).
Départ en ligne, après de sympathiques discours et messages tendres adressés via les chamanes (sorte de sorciers) aux Esprits, très présents en cette région pour qu’ils nous assurent bonheur et persévérance : très rapidement un groupe d’une vingtaine de skieurs s’envolent littéralement et avalent les km à un rythme incroyable. Pourtant pas de grosses pointures, pas de norvégiens ni de champions patentés mais des jeunes bourrés de talent et sacrément bien bâtis !
En moins de 2 heures, malgré la tempête de mi parcours, ils terminent ces 50 km.
La première femme (une jeune russe de 20 ans à peine) boucle ses 30 km en 1h08‘ !
Pour notre part, nous avons assuré :
Isabelle est 1ère féminine de plus de 60 ans (en 1h31 pour 20 km), Ginette 1ère féminine de plus de 50 ans (en 1h53 pour 30 km), Jean-Pierre 1er homme de plus de 60 ans (battant au sprint, en 2h 36 un concurrent qui ne le vit pas venir), Boris 3ème des plus de 65 ans (en 2h55) et Régis 5ème des plus de 50 ans (en 2h44).
Nous repartîmes gratifiés de médailles, diplômes … et de monnaie sonnante et trébuchante ! 10 000 Roubles de gains (soit environ 200 €) à nous 5… que nous bûmes et dégustâmes le surlendemain dans le magique wagon-restaurant du Transsibérien ! Le champagne (russe) coula à flots.
Et pourtant les droits d’inscription ne s’élevaient (si l’on peut dire) qu’à 150 Roubles par personne. C’est-à-dire … 3 € par personne.
JP Henriet (1er des plus de 60
ans!) Régis Peschot et Boris
Petroff
Isabelle Petroff reçoit sa
médaille
Et pour ce prix là nous eûmes droit à un repas de fête (mongol…) le samedi soir et à un bus spécial pour nous ramener de Maksimikha à Oulan-Oude (250 km plus loin), capitale de cette République de Bouriatie où nous attendait le Transsibérien qui nous ramenait à Irkoutsk.
Que de toasts nous avons levés ce samedi soir, autour du mouton grillé à la Mongol (et dont le morceau de choix est la panse farcie…) arrosé de vodka mongole et russe, de whisky tout à fait écossais et de champagne bien français que nous avions eu la belle idée d’apporter avec nous.
Contacts pris avec la secrétaire générale de ski de fond de Mongolie pour découvrir leur terrain de jeu et, pourquoi pas, inscrire un des nombreux marathons mongols au calendrier de la Worldloppet un jour prochain ?
Je crois que pour nous 6, ces deux semaines passées autour et sur le Baïkal furent un très grand moment que nous ne sommes pas prêts d’oublier.
Car avant de lancer nos spatules sur l’inconnu glacé du Baïkal, nous avons joué les touristes d’une rive à l’autre.
Avec toujours et partout cet accueil simple et si chaleureux des russes qui, là-bas, vivent de peu de choses mais sont en harmonie si forte ave leur environnement.
Grâce à notre Agence « La Russie Autrement », http://www.russieautrement.com/ qui nous assura notamment des hébergements aussi simples qu’inoubliables chez l’habitant, grâce à notre fantastique guide interprète (Anna) qui nous fit revivre les moments forts de l’Histoire de cette Sibérie orientale et découvrir les charmes de ces rives, nous avons connu des moments rares. Ah ce Bania (sorte de sauna à la russe) chez Sergueï ou la longue randonnée (plus de 150 km) en hydroglisseur, les tirs à la Kalachnikov ( ?), la soirée vodka chachliks avec des pêcheurs d’Irkoutsk, les longues discussions sur la vie d’avant et de maintenant, sur la crise ukrainienne et la peur de la guerre, l’incompréhension par les russes de l’agressivité occidentale et américaine notamment….
Bref, le ski de fond sur la glace … une bien belle façon de boucler une saison de ski de fond.
Le budget pour le voyage
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Pour info Paris-Moscou-Irkoutsk en avion, cela prend une dizaine d’heures de vol et 650 € TTC par personne.
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Les 12 jours de tourisme à partir d’Irkoutsk tout compris (hébergement, transport, musées, guides etc.) 1200 € par personne.
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Les 2 jours à Maksimikha (pour le Marathon) … 21 € par jour et par personne en pension complète.
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Bref, cadeaux et vodka comprise, moins de 2000 € par personne, Paris-Paris (ou Genève-Genève).
Boris Petroff
et la gigantesque tête de Lenine à Oulan-Oude
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