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Article écrit par Jacques Piepenbring en
mars 2013
Avant
que de parler un petit peu de la Vasaloppet, rappelons-nous que la
Suède est un vrai pays de ski de
fond, et que les évènements majeurs
concernant le ski nordique y sont
largement médiatisés. Ainsi, les
championnats du Monde à Val di
Fiemme étaient retransmis en direct
sur la première chaîne de télévision
suédoise, pour les épreuves de fond,
de saut et de combiné nordique ; la
coupe du Monde de biathlon n’est pas
en reste, avec une couverture
médiatique à faire pâlir les
télévisions allemandes ; la victoire
de Johan Olson sur le 50 km de Val
di Fiemme a fait l’objet de la une
de deux quotidiens généralistes
nationaux.
Par conséquent, le fait
que la Vasaloppet fasse l’objet d’un
direct pendant 8 heures à la
première chaîne de télévision
suédoise pourrait presque paraître
normal !
Avec
ses 90 km en style classique,
parcourus sur le même itinéraire
depuis près de 90 ans entre Sälen et
Mora, la Vasaloppet est la course
que rêve d’effectuer tout
compétiteur en ski de fond. Une
sorte de graal, de course de
référence. De ce fait, la Vasaloppet,
tellement désirée par tout fondeur,
inverse toute logique normale d’un
évènement sportif de ce type (comme
la Transjurassienne par exemple).
Comme
le précise le tee-shirt spécifique
de l’année 2013, l’organisation de
la Vasaloppet propose 7 courses
différentes en 10 jours : deux
traces ouvertes sur le parcours
intégral (öppet spår), une Vasa
réduite (kort vasan), une demi Vasa
(halv vasan), un relais sur le
parcours de 90 km (stafett vasan),
la Vasa des dames (tjej vasan), la
Vasa des jeunes (ungdoms vasan), et
bien entendu LA Vasaloppet. Sur
l’ensemble des 10 jours, il se vend
plus de 60 000 dossards, dont 15 800
sur la seule Vasaloppet. Les
dossards pour la course reine sont
intégralement vendus en quelques
heures. Pour la plupart des autres
courses, c’est en automne que les
inscriptions sont closes. Le chiffre
d’affaires uniquement lié aux frais
d’inscription peut être estimé à
plus de 10 millions d’Euros.
Le
budget communication n’a pas
réellement besoin d’être très
élevé : par exemple, aucune affiche
de la course n’est disponible.
Pourquoi imprimer des affiches ? En
Suède, tout le monde sait que la
course a lieu chaque année le
premier dimanche de mars, et dans le
reste du Monde, les intéressés se
renseignent très longtemps à
l’avance. Contrairement à bien des
courses plus proches de chez nous,
il n’y a aucune dotation en cadeaux
(tee-shirt, bonnet, casquette…
fromage, miel, confitures…). Les
gens sont en effet prêts à casser
leur tirelire pour un bonnet
estampillé Vasaloppet, ainsi que
pour le tee-shirt ou le sweet-shirt
à capuche officiels. Tout ce qui
touche à la Vasaloppet se paie,
donc. Ainsi, à l’issue de la course,
il est possible d’obtenir un diplôme
gratuit, mais le profil de la course
avec les temps intermédiaires est
payant, ce qui pourrait presque
paraître mesquin au vu du prix du
dossard.
A
Mora, centre névralgique et siège de
l’organisation, dans l’immense tente
de la Vasaloppet, proche de
l’arrivée, le magasin de sport,
agrémenté du label « boutique
officielle », occupe une grande
place, et propose outre la ligne de
vêtements officielle, toute une
série d’articles de ski de fond à
des prix plus élevés que ceux
auxquels nous sommes habitués (skis,
chaussures, farts…). Quatre
différentes marques de farts bien
connues indiquent 3 jours avant, les
farts de glisse et de retenue
conseillés pour la course (la base,
la seconde couche et la poudre pour
la glisse, la base et les
différentes couches successives pour
la retenue). Cela permet bien
entendu de vendre les farts en
question, même si ce ne seront pas
ceux-ci qui devront être utilisés 3
jours plus tard…
S’ils
sont parfaitement organisés, les
ravitaillements pendant la course
pourraient néanmoins paraître
particulièrement sommaires. Les
boissons sont logiquement en
abondance avec de l’eau, de la
boisson énergétique, et de la soupe
de myrtilles (le fameux et délicieux
blåbär). Il est parfois possible de
trouver des plaquettes de dextrose
ou des gels. Par contre, il y a peu
de choses à manger, un peu de
brioche, parfois quelques morceaux
d’orange. Cela pourrait paraître peu
pour un parcours de cette longueur.
A l’arrivée, il manque sans doute un
ravitaillement tout simple, comme à
la Transjurassienne.
C’est
enfin la course où tout
l’environnement tend à ce que l’on
fasse la queue. Avant la course,
pour la remise des dossards à Mora,
pour les bus, qui arrivent au départ
à Sälen 2 heures avant (c’est-à-dire
vers 6 heures), pour entrer dans la
ligne de départ, pour aller aux
toilettes. Pendant la course, à la
première montée dans le goulet
d’étranglement, 5 minutes après le
départ. A l’arrivée, pour donner les
skis en gardiennage, pour prendre le
bus pour chercher le sac vestiaire,
pour prendre la douche, pour prendre
le repas (alors qu’on aspire bien
naturellement à s’asseoir un peu),
pour récupérer le diplôme, pour
reprendre le bus, pour reprendre les
skis, et pour prendre la passerelle
qui mène au parking… Cependant, la
gestion des 15 800 participants,
même s’ils n’arrivent pas tous en
même temps, nécessite forcément un
peu d’attente. Chaque compétiteur le
comprend très bien, et l’accepte
d’autant plus facilement qu’il
s’agit de la Vasa !
Tout
au long de la semaine précédant la
course, les conditions
météorologiques ont alterné entre
soleil, pluie, vent et neige.
Vendredi, un vent impressionnant
avait encombré la piste d’écorces,
de branches, de pommes et d’épines
de pin, et pénalisait les
concurrents du relais. Samedi, le
vent est tombé et il a neigé 5
centimètres, ce qui a permis d’avoir
un fart sec pour la course de
dimanche et une piste relativement
propre, alors que les conditions
étaient au tube jusqu’alors, sur une
neige particulièrement sale.
Concernant la Vasaloppet en
elle-même, il faut se lever
particulièrement tôt et prendre un
petit déjeuner le plus complet
possible, afin d’arriver au départ à
Sälen vers 6 heures (après deux
heures de bus). Cela permet
d’arriver à peine comme il convient
pour tester le fart, effectuer les
dernières corrections et aller poser
les skis dans le bloc de départ dès
que possible. Même à l’heure à
laquelle le bus était arrivé, il a
fallu faire la queue, et la place
dans le bloc était bien derrière.
Enfin, il ne faut surtout pas
oublier de prendre un repère pour
être sûr de retrouver les skis, afin
de pouvoir vaquer à des occupations
traditionnelles d’avant départ
(échauffement individuel ou
collectif, toilettes, discussion
avec les concurrents d’autres
blocs…).
Hormis
pour la ligne élite et le premier
bloc, la course coince toujours dans
le goulet à 1 km après le départ,
plus ou moins longtemps en fonction
du bloc attribué. Une fois le point
haut atteint, la course s’éclaircit,
et les passages sur le plateau au
lever du soleil sont vraiment
magiques. La plupart du parcours
s’effectue alors avec 6 ou 8 traces
classiques, et des points de
contrôle bien cadencés. Par contre,
si les paysages traversés sont
jolis, le parcours peut paraître à
la longue monotone, surtout dans les
enchaînements des poussées
simultanées et des pas-de-un, qui
composent facilement 95 % des gestes
techniques effectués pendant la
course. Sur un parcours de cette
longueur, non reproductible à
l’entraînement, il est presque
logique d’avoir un moment de
moins-bien, surtout après les 70 km
(Hökberg), aussi bien physiquement,
musculairement que moralement. Au
dernier ravitaillement, à Eldris,
une pancarte indique le temps à
faire pour obtenir la médaille
(5:46:13 cette année), réservée à
ceux qui terminent à moins de 150%
du temps du premier. Là, en fonction
de l’heure affichée à l’horloge
officielle, il est possible de
savoir si cette médaille est
acquise, définitivement exclue, ou
si elle est encore jouable. Cela
peut permettre de rajouter un
objectif pour accélérer un peu, en
se remettant à appuyer sur les
bâtons et à contracter les abdos, en
essayant d’oublier les douleurs bien
présentes dans les trapèzes, et les
tensions marquées dans les triceps,
les abdos, les dorsaux-lombaires…
Près
de 70 français avaient réussi à
trouver un dossard et un hébergement
pour cette Vasa 2013, et ont terminé
derrière les Norvégiens Jörgen
Aukland, vainqueur en 3:50:48 chez
les hommes, et Leila Ahrli-Kveili
vainqueur en 4:22:22 chez les
femmes. Certains termineront après
plus de 11 heures d’effort, à la
nuit tombée, en parcourant les
derniers kilomètres sur une piste
magnifiquement éclairée par les
petites bougies posées au bord des
traces.
Le graal est atteint, parmi plus de
12 000 concurrents à l’arrivée. Un
bel objectif, une belle expérience,
mais dont on se demande parfois si
le gigantisme de la course n’est pas
en décalage par rapport à la vision
que l’on peut avoir du ski de fond.
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